vendredi 31 décembre 2010

Voeux à la Nation

Mes chers compatriotes,

Françaises, Français (de souche)

2010 s'achève, et nous voyons presque le bout du tunnel.

Je voulais ici saluer chaque habitant (en situation régulière) de ce pays. Chaque Citoyen qui aura contribué, cette année encore, à la grandeur de la France.

Par votre travail (quand vous avez encore la chance d'en posséder un), par les impôts que vous versez généreusement, et de plus en plus souvent, en plus grande quantité, à la Nation (..).

Par votre motivation à travailler plus pour essayer de gagner au mieux autant....

Par votre silence, lors des différents scandales qui ont émaillé, depuis plus de trois années maintenant, une mandature qui restera dans notre histoire comme LA plus catastrophique de toute la Vème République.

Par une apathie quasi générale, lors des attaques incessantes que nous avons mené, moi et mon gouvernement, contre l'immense majorité des Français (c'est à dire les classes les moins aisées, 98 % de la population de ce pays).

Grâce à votre (in)action, j'ai pu continuer à mener ma politique de sape contre les Services Publics, contre l'esprit civique, laïque et Républicain de ce pays, pour pouvoir imposer, à terme, ma vision du monde (et de mes petits camarades, les riches et les puissants) : une vision où chacun pense à soi d'abord, ou les mots pardon les éléments de langage "Solidarité", "Entraide", "Partage", "Altruisme", Vivre ensemble" etc. etc. seront de plus en plus employés, galvaudés, mis en avant, communiqués mais de moins en moins mis en pratique.

Et, surtout surtout, pouvoir entamer une campagne électorale qui en fait n'a jamais vraiment cessé, depuis 2007, en vue de me faire réélire car la place ehh ben la place, figurez vous elle est 'aaach'ment bonne!!

Tu peux voyager à l'œil tout le temps, partout...
Tu te tapes des mannequins quand tu veux...
Tu te la pètes tout le temps, partout, tu vis dans ta bulle dorée, à l'abri de tous ces pouilleux qui font rien qu'à râler...
Tu peux satisfaire tous tes caprices, et tout le monde ferme sa gueule, parce qu'ils savent qu'il vaut mieux pas te faire chier...
Tu t'achètes des méga trucs avec l'argent des autres, et que même, quelquefois t'as pas besoin : on te les offre! Ah les cons!!

En gros, LE Boss c'est toi, et c'est pour ça, que la place, je suis pas près de la lâcher.

Donc, j'vous l'dis direct : Merci, Bonne Année et Bon vent!! et surtout surtout préparez-vous : 2011 ça va vraiment, vraiment être chaud pour votre gueule, vous tous, les Français du bas. (et m'regardez pas comm'ça sinon j'vous envoie mes gardes du Corps Présidentiel)

Allez, j'vous laisse, j'ai un avion à prendre.

Bon courag' hein!




Vive la Ripoublique,

Vive la fRance.

Amen.





C'étaient les vœux du président de la République Française depuis 2007, alias Sarkozy Nicolas, alias "celui qui est faible avec les forts et fort avec les faibles", alias "cass'toi pôv con", alias "le ptit excité à talonnettes", alias "Carlita mon amour on va faire de la gym?", alias "jvous ai tous bien niqués!"
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Pour ma part mes meilleurs vœux, ou ce qui s'en rapproche le plus car j'aime pas quand on me dit de faire la fête (ça doit être génétique?), à Mike Hammer Papatam Andropov, Luciamel, au Coucou de Claviers, à  @si, etc-iste, Agnès Maillard, Olivier Bonnet, aux Bravepatriotes, Sam Lowry, et à tous ceux que je n'ai pas cités et qui se reconnaîtront (il y en a trop, mais jamais assez!). Que cette année vous apporte etc. etc. etc.

Et surtout MERCI à vous tous, communauté du web (que pour la plupart je ne connais pas "réellement") qui m'avez énormément apporté en cette année qui fût parfois sombre, parfois lumineuse, mais toujours intéressante. Puisse 2011 nous donner l'occasion de nous rencontrer dans la Vraie Vie...

jeudi 23 décembre 2010

le Mâle Alpha

Ça y est, ça me reprend.

Après quelques mois d'abstinence forcée, après un chemin de croix que j'ai voulu le plus lourd et douloureux possible.

Après de longs mois d'efforts, à me la jouer coeur brisé, déçu et écoeuré, à jurer qu'on ne m'y reprendrait plus jamais.

miiignon minotaure
Des jours et des semaines à me noyer dans le travail. Pour oublier, fuir, ne pas se réveiller d'un cauchemar que j'élaborai à chaque fois plus précisément. Plus tortueusement, et sournoisement, comme le Roi Léonidas qui fit enfermer cette monstruosité au sein du Grand Labyrinthe : le minotaure symbole d'une passion inavouable, de noires mœurs assouvies dans le secret et la honte. Cacher que moi aussi, je m'étais planté, et en beauté qui plus est. Vite, construire un labyrinthe bien épais, assez grand, et tout y balancer...

Mon minotaure à moi? J'en ai honte rien que d'imaginer l'avouer, pendant de longs mois j'ai ruminé ces révélations qui je le sais un jour referaient inévitablement surface. Ce besoin de libération, je le retrouve cycliquement : déjà parlé dans d'autres billets. Quelle est cette pathologie qui me saisit à intervalles réguliers? Patience, encore un peu...

Beeelle..., c'est un mot qu'on dirait in-ven-té pour.. eeeeelllle
J'en ai donc bien bavé, et j'en ai été plus que satisfait : comme le stupido du Nom de la Rose, je me suis flagellé continuellement dans la cellule glaciale de mon esprit aveuglé. J'ai fait pénitence tous les jours, me suis mortifié, puni pour avoir échoué si près du but, encore une fois. Pour n'avoir pas réussi à la garder. Elle.

A chaque morceau de chair qui foutait le camp de mon dos dénudé, je hurlais, extatique : j'aurai tellement aimé que quelqu'un passe, et me plaigne encore et encore! Je n'avais RIEN COMPRIS.

Et oui, elle est partie. Elle m'a quitté brusquement, épuisée et fatiguée par des années de promesses non tenues, de renoncements successifs en petites lâchetés quotidiennes.

je m'appelle toff, c'est pas pour rien : j'ai plein d'épines et je pique
Tout avait pourtant bien commencé: la passion qui nous liait, au tout début, était purement aveuglante ; nous en oubliions jusqu'à nous-mêmes, persuadés que ceci durerait toujours. Je souhaite à n'importe qui de vivre ceci au moins une fois dans sa vie...

Aveugles au cheminement cahotique du monde, nous nous sommes aimés jusqu'à en devenir nous-mêmes bordéliques, faisant et défaisant ce qui nous entourait, dans un but et un seul : convaincre. Persuader les autres, tous les autres, que la voie que nous avions trouvée était la meilleure : que le bonheur pouvait être de ce monde. Malgré tous les dangers en travers de notre route, les coups bas et les coups du sort, nous avions tenu bon. Agrandissant chaque jour un peu plus cette cage dont nous ne voyions jamais les barreaux. Et pourtant...

Ceux-ci étaient sous notre nez. Au fur et à meusre, la surface de la cage se rétrécissait, et ses barreaux grossissaient. Qui de nous deux l'a vu en premier? J'ai peine à le reconnaître, mais je ne voulais pas voir."Rien de plus têtu qu'une bourrique qui veut pas avancer" disait grand-mère, et je veux bien la croire.
Et pourtant... les signaux se multipliaient, les lumières passèrent du vert, à l'orange puis au rouge foncé : rien n'y fit.

Et pourtant... j'avais juré que je ne m'y laisserai plus prendre : j'ai pas tenu longtemps...


édition (pour) limités : le charme, c'est MOI. T'as compris?
Elle est trop charmeuse.
Elle est trop tentante.
Sa lascivité m'attire, sa sensualité me fait tourner la tête.
Les émotions qu'elle suscite en moi ne peuvent que m'amener à rechuter, et bien plus profond encore...

Non!
Je ne serai plus jamais le mâle dominé : c'est fini, marre de ne pas avoir mon dû!

Moi aussi je peux être bien plus : un mâle Aplha, sûr de lui et de sa Maîtrise.
C'est moi le boss, et je vais vous le montrer.
Je suis quelqu'un que l'on mérite, pas un vulgaire paillasson! Et tant pis à celle qui ne le comprendra pas : j'irai chercher ailleurs.

Cette fois-ci, 2012 approche, c'est vraiment différent : vacciné, je suis. Interdit que je retombe dans le panneau.

Politique...tu ne m'auras plus.

Je ne militerai plus.
Je ne m'engagerai plus.
Je ne croirai plus les fausses promesses.

Connu comme le loup du même nom...
Je voterai blanc.

vendredi 17 décembre 2010

à poil

Un cycle infernal : voilà comment je décrirai ma relation avec les femmes.
Pardon : avec LA femme.

Juliette a toujours été une anti-muse pour moi : celle qui me fait tellement bredouiller que les mots ne s'écrivaient plus sur la page. Le blanc qui vient.

franchement c'est ridicule : après ça je crève la dalle moi!!
Juliette est comme le mets le plus délicat, le vin le plus sucré, le plat le plus appétissant : irrésistible, bien que l'on sache que forcément, on va s'y perdre corps et âme. Corps car on va prendre quelques grammes supplémentaires sur la taille et/ou le bedon (mais c'est si bon de manger!) et âme car on va rester ébahi, une fois de plus, ébloui par ce satané chamboulement hormonal qui nous fait perdre tous nos repères. La raison qui s'efface, à l'approche de la femelle Femme, et ne reste plus qu' un pauvre idiot dont les sens sont chavirés par le désir. Prendre, posséder, jouir et ne plus avoir peur, dans ces fugaces instants d'abandon, de l'Amie Véritable qui s'appelle Solitude. Tout en sachant que, un jour ou l'autre, c'est la seule amie qui nous restera : elle reviendra toquer à la porte, soyez-en sûrs!

Le mal de notre siècle, cette Solitude, tiens... Qui pourtant oserait affirmer, de nos jours, en me regardant droit dans les yeux, qu'on ne naît et qu'on ne meurt pas seul, en fin de compte?

hallucinant : Bush était un Grand Homme
Quelle personne qui pourtant, ne le sache pas au fond d'elle-même : tout entouré soit-il, le plus puissant des oligarques, le plus grand des présidents (ou le plus petit, si vous avez pensé comme moi, à l'instant ou j'ai prononcé le mot "président"...), la plus adulée des stars... tout le monde devrait s'avouer que l'Etre Humain est un animal désespérément social, qui au final ne fait que jouer une comédie à ses semblables et à lui-même. Une Comédie Humaine, qui sort tout droit de son cerveau reptilien, pas totalement résorbé malgré les quelques millénaires d'évolution qui nous séparent des grands singes.

Je parle de tout au fond là, oui, bien en bas dans ce recoin le plus sombre de toi-même, cher ami, cher lecteur(euse), tu le vois? Veux-tu y descendre avec moi? Essayer de le toucher du doigt, histoire de voir à quoi ça ressemble vraiment : histoire de comprendre où tu en es, de tes peurs, de tes doutes, de tes paniques, de ton animalité refoulée?

Veux-tu seulement essayer de l'effleurer?

meuhnon boordel, pas celui-là...ô désespoir!
Si tu me réponds oui, alors je ne te dirai pas "BRAVO!!", je poursuivrai juste en te répondant : bien, tu y es, tu le ressens, continuons donc un peu. Là, tout au fond, maintenant que tu es descendu au plus près de cet affleurement qui constitue une part essentielle de ton "humanité", il va falloir te dépouiller de tes frusques mentales. Oui, de ces voiles que tu as patiemment tissés, jour après jour, minute après minute, mois après semaines, années après décennies. Impossible? Non! Difficile certes, mais certainement pas infaisable. Encore faut-il en avoir envie...à celui qui me demanderait "mais pourquoi devrai-je faire cela?" je répondrai : va donc relire cette maxime "connais-toi toi-même". Certes, le gars n'est plus très frais (2 500 ans au compteur tout de même), mais sa "morale" a traversé les âges...pas mal pour quelqu'un qui était sans doute plus proche du singe, physiquement (Socrate était paraît-il très laid), mais aussi évolutivement parlant, que nous ne le serons jamais, nous Hommes de 2010...

Pardonne-moi la digression sur Socrate (destinée à te montrer que "moi aussi, j'en ai dans le ciboulot" en même temps qu'elle satisfait chez moi un égo que je sais surdimensionné), continuons donc notre exploration : arraches-donc ces voiles mentaux de merde, dont tu t'es paré pendant tant années, afin d'entrapercevoir ton Moi le plus intime, ce truc que tu t'efforces de cacher, et avec raison, depuis si longtemps. Je dis avec raison, car cette démarche est dénuée de toute sensiblerie : ici, on n'est pas sur le plateau de "Sensiblerie-Show" du samedi soir.
J'aime beaucoup ce que vous fîtes
Nulle envie de s'apitoyer sur soi-même et de le faire partager à la France entière, nul besoin de tirer la larme à la ménagère de moins de cinquante balais vautrée sur son canapé Ikea, qui toute la journée digère avec indifférence la misère et la sauvagerie de ce monde sans sourciller, mais aime bien faire fonctionner ses canaux lacrymaux de temps en temps, devant une bonne saloperie bien sordide, histoire de vérifier qu'ils ne sont pas bouchés... Ici, le but est d'en chier (CHEF OUI CHEF!!!) et, comble de l'ironie, de la galère et du désespoir de l'Homme Civilisé, Moderne et égoïste que nous sommes nous les "Occidentaux", de ne même pas partager cette souffrance, cette douleur, ce chemin de croix que nous allons nous infliger.
Et aux petits malins qui m'objecteront que c'est ce que je fais, en balançant ce billet nauséabond ici-même, je répondrai : m'en fous, suis anonyme. Et c'est le but, justement, tiens.

Bien sûr, en chier n'est qu'une partie du chemin. Il y a toujours un but premier (en chier), mais aussi un but Supérieur à toutes choses -notre présence ici bas? en chier mais aussi... chacun mettra ici ce qui lui convient- et ne croyez surtout pas NON SURTOUT PAS que vous n'avez pas la capacité de le connaître, ou de le déterminer, ce but premier. La connaissance de ce but Supérieur n'est pas réservée aux seuls initiés (ou gourous, si vous préférez), mais à tout le monde : il suffit d'en avoir envie. D'avoir envie d'arracher tous ces voiles, de se mettre à poil, de se mettre en face du miroir, d'allumer la lumière et de contempler.

Le petit truc tout recroquevillé là, qui essayait désespérément de se cacher, dans le noir et l'oubli, de dissimuler sa présence à votre regard. Ce petit truc, maintenant dépouillé de ses nippes mentales -que vous aurez consciencieusement jetées au feu, le feu de joie est autorisé- commencera alors à se redresser. Et vous vous apercevrez, avec plus ou moins d'étonnement, qu'il n'est pas si petit que cela, ce machin. Qu'il est même 'achement balèze, qu'il continue de grandir, de se déployer, il ouvre ses ailes (que vraiment il porte très bien!), il commence à occuper de plus en plus d'espace, à étouffer même dans ce carcan qu'on lui impose, cette prison aux milles visages, cette cage aux milliers de noms : société, codes, convenances, usages, obligations, travail, famille, patrie, lois, coutumes, normes, restrictions, tenues, uniformes, menaces, crise, précarité, chômage, croissance, développement durable, éco-compatibilité, amour romantique, consommation, Saint Valentin, Noël, Jour de l'An, religion, libéralisme, politique, économie, laïcité, bien-pensance , ......................

Et la prison vole soudain en éclats.

hisser les voiles : ok ok, encore un jeu de mots à la noix et je sors
Vous êtes alors vous-même, et plus rien n'a d'importance, à part ça. Vous volerez au-dessus de la mélée, tel un aigle égoïste, mais heureux. Solitaire mais pas seul, car connecté à ce qui vous constitue, hors des matérialités communes : terre, air, eau, et feu intérieur. Vous réaliserez que vous êtes, quelque part, illimité, et même la mort ne vous fera plus peur. Vous en aimerez d'autant plus la Vie, tout ce qui vit. Le moindre petit caillou aura sa part de sacré, le plus petit brin d'herbe autant d'importance que le plus grand des fleuves, et qu'importe si les autres ne veulent pas le voir : vous saurez, d'expérience, que cela n'a pas d'importance. A chacun son cheminement, après tout toutes les visions se valent non? Mais il est vrai que la vôtre seule aura cette acuité, cette vivacité, cette véracité. Ce petit quelque chose en plus qui fera que les "gens", les "autres", ceux "du dehors" lèveront les yeux en vous apercevant. Les personnes du sexe opposé (ou pas) vous remarqueront à nouveau, car vous irradierez de cette lumière intérieure dont elles manquent tellement.

Et, de nouveau vous re-ferez : ce que vous avez abandonné, par lâcheté, par routine, par peur bien souvent. Vous vous y remettrez, avec l'énergie du désespoir, avec la Foi de ceux qui savent qu'ils sont damnés, et qui l'acceptent avec joie en disant : et alors? C'est quand que tu me ressers un verre de cet excellent Château-Laffitte bordel?
Vous re-deviendrez Celui que vous êtes vraiment, qui s'était juste endormi, recroquevillé sous le tas de guenilles que la société lui avait refourguées. Étouffé par les habitudes, les petites compromissions quotidiennes, par la force de la routine qui vient à bout même des aciers les plus résistants, vous aviez cédé. Peu à peu, vous vous étiez avachi : désormais on ne vous y reprendra plus, c'est carrément impossible car vous êtes dépouillé de ces oripeaux inutiles.

Et à nouveau, vous aimerez : vous donnerez sans compter, intensément, car on ne peut pas vous refaire. Vous êtes et resterez comme ça, illimité, excessif dans tous vos actes, de plus en plus lumineux car vous avez constamment besoin d'émettre dans le visible, aussi bien que l'invisible. Il faudra qu'on vous remarque, car vous ne pourrez pas passer inaperçu, non pas après toute cette souffrance, après cette mue si spectaculaire!

Le compagnon/la compagne que vous ne tarderez pas à rencontrer, les amis que vous vous ferez, immanquablement, tous les succès que vous aurez en ce bas-monde social, tout, tout vous sera offert sur un plateau d'argent. Étrange paradoxe, qu'un simple état d'esprit puisse changer une vie à ce point non?

Vêtu de quantité d'atours mirifiques, mais le coeur en berne, et rien.

A poil, nu comme un ver, mais la tête dans les étoiles : tout.

Ce que Dieu donne, fatalement, il le reprend.

Tôt ou tard, Il passera un coup de balai sur la piste.

Et le Cirque recommencera.




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Je dédie cette pathétique tentative de réconciliation avec moi-même à toutes les Juliette qui ont croisé ma route. Et plus particulièrement à la dernière : tu avais raison, il n'y a rien à faire! Si ce n'est tenter de se trouver. Et maintenant, je sais, et je n'ai plus peur (à nouveau...): merci pour tout !
Tant que j'y suis, je dédie aussi ce billet à Luciamel, que j'aime (apprécie?) beaucoup, sans la connaître de visu : prends ceci, ma soeur d'écriture, si tu me le permets; et fais-en ce que tu veux, mais sache que la vie est belle, malgré tout! Même si elle est triste, elle peut être belle -ça n'est pas incompatible...

vendredi 10 décembre 2010

Chôme Ages



Quota espace-temps 2149- Année quartile double. Mois de stats numéro 08/2149.

Présentation dossiers : période pré-hivernale ; pile numéro trois-cents cinquante-neuf mille six-cents vingt-huit.
Classement : en cours de verticalité, pile 19, stack 289, stèle 5249.
Objet : étude complémentaire suite déclaration préventive du Citoyen Nikosy Sarkolus (code-barre 27988-242-13-13) aux motifs de "Charge inutile et dangereuse pour la Collectivité- Suspicion d'oisiveté"

Description du sujet : 

-Prénommage série : Christophe
-Dénomination systémique : G, aka "Toff D.e.A.i.x"
-Code-barre citoyen : 2296-6598-4444-3589
-Numéro puce : 359131313-22-A / implantation série : espace-temps 2113.
-Age : 1874 semaines (trente-six révolutions solaires et quelque selon ancien système)
-Description entité physique : un mètre soixante-huit, 63 kgs229, pilosité disparue, yeux bleus lavande.
-Localisation entité physique : Continent européen, ancienne cité "Massilia", tunnel 68, casier 12.
-Adresse I.P : 127.158.245.09 Port : 54995 

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Début de transmission-

L'entité sus-dénommée (numéro code barre 2296-6598-4444-3589) est présente dans la pile de non-employés depuis maintenant 248 semaines. Au terme de la Grande Épuration Statistique de la révolution planétaire précédente, ses proches génétiques ( les dénommés "parents", "frère" et "petite sœur") ont été recyclés selon la Convention Particulière suite à réforme de l'Assurance Travail : non-utilité prolongée et charge insupportable pour la Collectivité (pour rappel, inactivité chomistique sur plus de 300 semaines consécutives). Par conséquence, privation progressive de nutriments, puis fermeture des robinets d'oxygène et expulsion terminale du container de survie glycogénique. A terme légal, dépôt sur la Voie Publique pour enlèvement et recyclage.

A ce jour, plus aucun signe physique de ces déviants, la "famille" de Christophe G a été déclarée retirée du réseau. (Explicitation terme famille : expression désignant les parentés physiques proches, du point de vue génétique et affectif, du sujet étudié. Explicitation terme affectif : suscitant des affects, formes obsolètes d'émotions reliées au cerveau reptilien primaire de l'Humanité des Premiers Ages. Encore en survivance dans certains casiers, en voie de suppression progressive depuis le Grand Décret.)
Les DNS ont été recyclées, les adresses IP redistribuées, le support magnétique afférent totalement repartitionné.

Il s'agit, en ces jours de non-plein-emploi prolongés, de surseoir à l'exécution du Grand Décret concernant l'entité "Christophe D.e.A.i.x" (numéro code barre 2296-6598-4444-3589).

Effectivement, selon les déclarations de l'entité Citoyenne N.S. (code 27988-242-13-13), il appert que l'entité Christophe D.e.A.i.x présente de sérieux troubles du comportement : mémoire erratique, déclarations intempestives sur le Réseau, remise en cause des Dogmes du Plein Emploi et du Travail Gratuitement Rémunéré, affirmations fantaisistes : "autre monde possible", "illusion", "humanité perdue", "chômage de masse dissimulé"...voir pour investigations complémentaires concernant ces expressions inconnues du Grand Serveur Central. L'entité aurait-elle eu accès à des bases de données d'avant le Grand Remaniement? D'après nos informations, il semblerait que oui : le danger venant du fait qu'elle s'évertue à dissimuler sa présence sur le Réseau, et à essayer de transmettre le poison de ses doutes aux casiers cryogéniques les plus proches.

Vénérable Ancêtre du Grand Serveur Central
Devant la contamination probable des couches supérieures de la Cité Massilia, des drones de Nettoyage ont été missionnés en reconnaissance. Il appert qu'aucun drone n'a pu localiser l'entité déviante. Les dernières transmissions des drones, avant leur destruction probable, font état d'importantes forces massées aux abords de la Cité; il semblerait qu'un soulèvement soit en cours (Explicitation terme "soulèvement" : rassemblement important de contre-forces déviantes, dans un but mal défini d'entropie négative- situation à éviter absolument, danger potentiel de dommages importants et irréversibles pour le Grand Serveur Central).

Plusieurs entités -nombre encore non défini, potentiellement supérieur à 10 000 unités- sont sorties de leur léthargie de Plein Emploi Illusoire et se sont volontairement déconnectées du Grand Réseau. Outre le Pic de courant négatif enregistré, elles essaient désormais, par plusieurs moyens inconnus, de déconnecter les casiers voisins. Certaines unités semblent s'être investies dans une autre forme de "soulèvement" : elles ont injecté plusieurs téra-octets de code viral extrêmement actif dans le Réseau Secondaire, tentant de déconnecter le maximum d'unités voisines et entravant par là-même le bon fonctionnement des serveurs de maintenance de la cité Massilia. Leur but avéré semble être de forcer les pare-feu mémoriels isolant le Réseau Secondaire du Réseau Primaire, pour contaminer celui-ci.

A 18.06 P.M -heure réseau GMT-, une déconnexion par le host a affecté la totalité du Serveur en charge de cette zone du Réseau. Des dizaines de milliers d'adresses I.P ont été momentanément coupées du Serveur Central; la transmission des statistiques de Plein Emploi interrompues...

Cette situation, inédite depuis le Grand Remaniement, a plongé les Serveurs Connexes dans le désarroi : comment faire pour rétablir la sérénité du Réseau, reprendre le contrôle des esprits et des statistiques mensuelles? Comment éviter la contagion à d'autres couches du Réseau? Doit-on faire un backup général du Serveur Central? Toutes interrogations auxquelles les superpuces de la Grande Machine doivent impérativement répondre en temps et heure, faute de quoi le module de Survie Automatique imposera la vitrification de la portion vérolée. A cet instant même, 17 missiles NIKOSAR-1 de 2,4 mégatonnes par unité sont braqués sur la zone contaminée, et parés au lancement. Heure H moins treize avant déclenchement.

Fin de transmission-

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L'ancêtre du bonheur...en 2030, nous n'étions que des sauvages
Le citoyen C482-248/13 B4 regardait les Actualités Officielles sur le Canal Réseau numéro 1- "Bouygz-1".

Cette chaîne était vraiment sa préférée : mise à jour des flux d'informations en temps réel, publicité en 4D adaptée à vos goûts, personnalisation des offres commerciales, Compte VIP Personnel (donnant droit à des coupons promotionnels permanents sur les nutriments et l'oxygène de grade A!)...tout concourrait à faire de l'adhérent moyen de Bouygz-1 un Citoyen heureux.

après les promesses politiques, promos sur les guitar zéros..
Et C482 l'était, assurément : il remerciait chaque jour un peu plus le Grand Serveur, et louait le Réseau Primaire pour sa bienveillante protection, la bande passante chaque jour plus large et les statistiques toujours plus rassurantes. Heureusement qu'on était dans un Pays Libre, à l'abri des Terroristes et des Hackers! Heureusement que la Patrie des Droits de l'Homme Numérique, dont il faisait partie chaque jour avec un peu plus de fierté,  irradiait sa Bienveillance sur le Réseau Mondial. Ici, on ignorait la peur : le Plein Emploi était la norme, chacun pouvait se détendre en attendant son tour de bénévolat. Le Gouvernement ne mentait plus, comme aux âges anciens : chacun savait où il en était, informé grâce au Grand Réseau, en temps réel. Statistiques sur le taux de plein emploi en temps réel. Sur le taux d'alphabétisation en temps réel. Sur le taux d'ozone dans l'atmosphère, le taux de bonheur général, le taux d'amour pour le Grand Serveur...sur le nombre de hackers interpellés et déconnectés, sur le nombre de terroristes appréhendés et rejetés dans l'extérieur hostile...punis. En temps réel, bien sûr.

certainement pas à moi que ça arriverait, j'ai jamais de chance!
Une holo-pub clignoluminescente attira son attention immédiate, il bascula dessus d'un clignement de paupières : " EXCLUSIF : les statistiques hebdomadaires de plein emploi viennent d'arriver! Le Grand Serveur vous les communique en temps réel : taux négatif de chômage, nous manquons encore de main-d'œuvre dans énormément de secteurs! Alors que la Confrérie des Bénévoles de Longue Durée publie des données encourageantes, cette seconde bonne nouvelle va dans le bon sens : notre société exclut désormais l'Exclusion! Louons le Grand Serveur pour son excellente vision et sa guidance mirifique!" Le ton était dithyrambique, le propos enjoué, la voix celle d'un vrai Éveillé Numérique.. L'holo-pub s'éteignit en un petit flash rougeoyant.

Ce nouveau cadeau du Grand Serveur le mit en joie : un taux de chômage négatif? Ils étaient bénis! D'ailleurs, pour preuve sa situation personnelle venait aussi de changer : inactif depuis 128 semaines, il venait de sortir des statistiques, hier même, grâce à un holo-stage de Guidance du Pôle Non-emploi. Il devait commencer ce matin et était d'ailleurs en retard. Vite, vite, pas le temps de bavasser : déconnecter le câble "loisirs" de son lobe temporal droit, et connecter le câble "activité" sur le lobe préfrontal. S'allonger confortablement, activer les coussins anti-escarres et s'ouvrir aux flots d'informations nouvelles qui le feraient enfin passer dans la catégorie bénie des Utiles. Joie!

Tout occupé à se connecter, il ne remarqua pas les petites fluctuations parasitaires qui commençaient à envahir le réseau, sur l'écran tout en bas à droite...

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La Citoyenne Delta-2/24/96-10 n'en était pas à son premier coup d'essai. Elle adorait chiner sur le Réseau, et passait des heures en essayages virtuels. Il faut dire que faire plaisir à ses proches était son plus grand bonheur (après le Réseau, bien sûr).

Elle promenait son caddie virtuel (modèle 26 PABX à grands roues et motricité linéaire, dernier cri) dans les allées de son HyperGigaTéramarché Karfourz. Depuis quelques années-réseau maintenant, cette chaîne de grands centres commerciaux personnalisait ses mégamagasins en fonction de ses clients. La visite virtuelle avait commencé depuis huit heures déjà, et elle n'avait parcouru qu' 1/32 ème de la surface de son mégamagasin personnalisé. Il allait falloir se hâter : bien que le temps-réseau soit plus distordu (1 heure réelle égalait 12 heures réseau), elle n'aurait pas le temps de boucler son programme! Aller déconnecter les enfants de leur neuro-professeur, ouvrir les panneaux solaires de la maisonnée -en espérant que la recharge puisse s'effectuer avant le passage des nuages radioactifs-, préparer les injections de nutriments pour toute la famille... Le temps allait lui manquer!

c'est pour votre bien : ça va mieux en le disant non?
3 caméras-vigiles la suivaient en ce moment. Loin de l'effrayer, ou de la gêner, ces mesures de sécurité la rassuraient plutôt. Elle avait déjà demandé aux services centraux de la Surveillance Réseau de badger sa progéniture (Naco et Corla, la chair de sa chair, le sang de son sang,  le silicium de ses neuro puces!) avec les nouvelles puces de Résolocalisation : tous ces hackings du Réseau, ces déconnections sauvages (et dramatiques!) avaient achevé de la convaincre. Qui pourrait imaginer ce qui se passerait si ses petits chéris étaient brusquement déconnectés du Réseau et se retrouvaient en situation d'éveil réel?
Bien sûr, le logiciel de sécurisation Universalix était branché et "écoutait" également tous les points de connexion au Réseau de sa maisonnée : on n'était jamais trop prudent!

Comme toute Bonne Citoyenne Consommatrice de Classe A, elle n'avait absolument rien à se reprocher : dans ce cas-là, pourquoi serait-elle gênée, si on la surveillait, hein?

Benv'nue dans la matrice !
Elle s'arrêta dans l'allée des promotions-seconde : des réclames sensorielles et tactiles en 8D l'invitaient à goûter le "nouveau tube de nutriments "pâté cornichons-camembert-silicium", goût exclusif! Recréé à partir des données préservées juste après le Grand Nettoyage! "
Elle ne résista pas à la tentation d'en mettre douze packs dans son mégachariot, qui s'adapta instantanément au nouveau volume, en changeant de taille.

Elle continua sa route dans les allées virtuelles brillamment éclairées, sans remarquer les petits pics d'électricité statique récurrents, annonciateurs de funestes déconnections à venir, sur l'holo-écran...tout en bas, à droite.

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Toff s'extirpa du tas de cendres -ce qui restait du mécadrone de nettoyage envoyé par le Grand Serveur-, aidé par des dizaines de mains et sous des centaines de vivats... Il se redressa et contempla la foule des fidèles qui s'étendait presque à perte de vue.

Les visages étaient pâles, les membres chancelants et les corps épuisés : pour la plupart, cela faisait à peine quelques heures qu'ils se retrouvaient dans le monde réel, le Grand Extérieur, sans aucune connection au Réseau ni aucun câble d'alimentation nutritionnelle pour les sustenter. La situation était pourtant loin d'être désespérée :ils venaient de gagner l'accès aux compteurs électriques du Réseau primaire! Des milliers de visages, crispés par l'effort et le doute, s'illuminèrent soudain : ils venaient de l'apercevoir, et leur Foi se réveillait de nouveau! Les poings se levaient, les armes étaient brandies, les slogans fusaient.
j'ai mal dormi, et mes hémorroïdes se sont réveillées..alors m'fais pas chier!

Les carcasses fumantes des dizaines de mécadrones jonchaient le champ de bataille; les corps de centaines de ses compagnons éveillés aussi, hélas... on ne hackait pas un serveur sans perdre un peu de bande passante, non? Tel était le prix à payer.

Il se dirigea vers sa tente de campagne, salué par une double haie de rebelles qui le pressaient de toutes parts.
Il fit signe à ses lieutenants de le suivre, tandis qu'ils s'engouffrait dans le minuscule réduit...

Tant de choses restaient à faire, tant de risques à prendre! Il fallait absolument qu'il prenne contact avec les autres portions du Réseau : où en étaient les hackers?

Il en était là de ses considérations, se grattant la connectique vissée sur son lobe temporal -désormais inutile, plus jamais il ne goberait leurs mensonges! -, quand le bruit lui fit redresser la tête: il se passait quelque chose d'anormal dehors!  Il sortit en trombe. Un grand silence, suivi d'une clameur effrayée, parcourait le champ de bataille.

"AaAaaaaaaahhhhhhhhh !!!"

Ils n'avaient pas osé? Si...

à prendre en cas de poussée de fièvre: un par jour, en une seule fois
La traînée caractéristique d'un NIKOSAR-1 illuminait le ciel : les 28 étages de ses ogives multiples se séparèrent en un petit claquement, parfaitement audible malgré le vent, et les centaines de gorges qui hurlaient de terreur.
Les têtes nucléaires commencèrent leur longue descente mortelle... La débandade fût générale : épouvantés, les rebelles cherchaient un abri illusoire, s'égayant en tous sens tels des robots de nettoyage domestique dans une décharge d'ordures...

En vain, Toff le savait, c'était la fin.

Il se rassit posément, tandis que tout autour de lui la panique était à son comble. Il ramassa le câble qui traînait par là et, après un rapide coup d'œil qui lui confirma qu'il était bien raccordé au Réseau, le clipsa sur sa connectique temporale. Il partit d'un grand éclat de rire, tandis que les images lénifiantes s'imposaient à nouveau à lui, immobilisant son corps, rigidifiant son esprit.  

Tu as gagné, finalement, saloperie de machine. Au moins aurai-je essayé ?

La voix de la pseudo-speakerine était toujours aussi nunuche : encore une qui parlait en souriant..ou l'inverse.
- "Mondo-Net, bonjour et bienvenue! Voulez-vos entrer vos identifiants, cher Citoyen?"

Il riait encore tandis qu'il s'abandonnait totalement au Réseau Primaire, que ses yeux se refermaient et que la Grande Lueur désintégrait proprement son corps, et tout ce qui l'environnait, sur cinquante kilomètres à la ronde.

vendredi 3 décembre 2010

Je hais Noël

Noël?  : Les boules...................

On était le 24 décembre, à la veille du Grand évènement. Partout dans la rue les honnêtes gens s'empressaient de regagner leur Domicile Chéri, leur accueillant foyer, ou, pour les moins chanceux, leur carton favori.

Il faisait froid, la neige tombait dru, en cette fin d'après-midi... Tout était comme anesthésié, étouffé par le manteau blanc. La vue, l'ouïe, mais aussi le toucher, les pas, la chaleur : tout s'engourdissait. Cet espèce d'amorti qui précède les grands évènements, cette tension retenue dans l'air qui flottait, indicible : tout incitait les gens, les êtres à se mettre au chaud, à l'abri, à ne pas rester dehors.

Manman était arrêtée devant la vitrine brillamment illuminée du grand magasin, interloquée. Elle tentait de reprendre la main à Bout'chou A-DO-RÉ qui la refusait, reculant continuellement contre la vitrine avec des petis sauts qui ressemblaient à ceux d'une mangouste en train de chasser un cobra. Ses yeux d'enfant innoccent trahissaient la colère la plus pure, le caprice le plus ultime, l'envie la plus inassouvie qu'un gamin de son âge pouvait avoir... 4 ans, et déjà les larmes fusaient sur ses joues rougies par le froid et l'émotion, son regard lançait des éclairs que n'auraient pas renié Zeus, au plus fort d'un courroux un poil mythologique...

"JE LE VEEEEEUUUXX!!!" cracha-t-il derechef, pour la septième fois, à la face de Manman chérie.
"Mais voyons, bébé, tu sais très bien que Papa Noël c'est pour cette nuit, et pas avant? Allez, arrête de faire ton caprice, sois sage et donne-moi la mai- "JEEEEE LEEEEE VEEEEUUUUUXXXXXXX!!!"

Hystérie, refus. Refus, blocage. Rage.

L'homme descend du singe...le marmot aussi
L'enfant cognait de ses petits poings gantés contre la vitrine, la dernière figurine Gormiti à la mode lui faisant d'irrépressibles œillades à travers le verre blindé du grand magasin.

Manman ne savait plus quoi faire, bébé commençait à abuser! Les gens pressés passaient à côté d'eux, les bras chargés de paquets et l'air préoccupé, "vite vite encore la Dinde à couper et les marrons à préparer, ce soir c'est crise de foie (plus sympa que la Grande Crise de Foi), courir ne me fera pas de mal, mais qu'est-ce que c'est que ce mignon petit qui crie comme ça?"
Ils évitaient soigneusement la mère et l'enfant, en un crochet rapidement calculé sur le trottoir gelé, "surtout surtout faire attention ne pas glisser, regarder où on va non vraiment vraiment ce serait stupide de finir aux urgences alors que ce soir c'est bombance, vite vite quand même mais qu'est ce que c'est que ce pitit bout'chou qui hurle? Ohhh mooon dieuuu.."

-"Chéri, arrrêêête, tu vois bien que c'est un jouet pour de faux! On a commandé le même sur la liste de pôpa Noyel, tu sais, il va venir ce soir, il faut que tu sois patient, quand même, c'est-" -"NAAAAAAAN!! c'est CUI LA QUE JEEE VEEEEUUUUUX!!!!!" lui cracha-t-il une nouvelle fois en plein visage.

Le vaccin contre la rage? un bon coup de pied au c..
La rage enfantine redoublait : désormais il était à plat ventre, passant alternativement dans la neige et le caniveau, les yeux roulant dans les orbites, refusant toute possibilité de discussion.

Bientôt son cinquième Noël et déjà, il savait se faire entendre, il savait ce qu'il voulait : cela augurait le meilleur  pour l'avenir.

Son placard était déjà plein de jouets, bien sûr.

Toute la gentille famille le couvrirait, cette année encore, de divers cadeaux plus ou moins onéreux.
Cette année encore, on se serrerait la ceinture, on se priverait peut être même de chauffage dans quelque masure de l'oncle, de la tante ou de la marraine (retraités avec une petite pension, mais "tellement fiers de nos petits-enfants qu'on ne compte pas"!), pour pouvoir "ne pas marquer mal à la fête, et offrir un cadeau convenable au petit". C'était tout ce qui comptait : que le cadeau finisse au fond d'un placard, sitôt déballé, et que le gamin passe la soirée à s'amuser avec la ficelle de l'emballage, ou le carton, plus qu'avec l'énième figurine bourrée d'électronique dernier cri (et forcément hors de prix), importait peu.
On jetterait un énième regard noir au pauvre type qui oserait (une fois de plus! ils sont gonflés alors ceux-là! il y en a partout de ces feignasses : qu'ils aillent bosser, tiens!) tendre la main, le cul dans la neige et le coeur dans la glace, pour mendier de quoi anesthésier une vie brisée. Combien de litrons de cette bonne vieille Villageoise bas-de-gamme pour le prix d'un seul Pokémon dernier cri?

Désolé, ça ne prend plus...
Du moment qu'on faisait un "beau cadeau", dont la famille pourrait se souvenir (et se vanter), c'était tout ce qui comptait.
Bien sûr, on passait devant les clochards sans même baisser la tête, et on lâchait des sommes astronomiques dans un cadeau futile, dont la seule utilité était de remplir les bonnes consciences des uns, les poches des autres (les industriels du plastique, du pétrole, etc.) et de saloper toujours un peu plus l'écosystème, in fine.

Devant la menace imminente de la main brandie au dessus de sa tête ("elle va partir celle-là, tu vas l'avoir ta fessée!!"), le petit morveux venait de se calmer : les yeux baissés, la bouche lançant de petits nuages de vapeur, il avait momentanément capitulé pour se relever. Il glissa sa main dans celle désormais tendue de sa mère, impatiente de décamper pour rentrer préparer la dinde.

Manman était satisfaite, en même temps que contrariée. La culpabilité commençait à poindre aussi, bien évidemment : en chemin, elle lui achèterait une gaufre pour se faire pardonner.

Le gamin trottinait aux côtés de sa Manman, qui le soulevait presque de terre. Il se retourna une dernière fois vers la belle vitrine : un dernier regard sur l'objet tant convoité...

Il ne pouvait pas laisser les choses en l'état, ohh non.
Seuls les faibles lâchaient totalement l'affaire.
Vindicatif? Non, pragmatique. Il irait loin, ce petit!

Arrachant la gaufre au chocolat des mains tendues du marchand, il la balança à la face de Manman culpabilisée : "Je hais Noël ! "