Il prit alors son porte-voix préféré et déclama, du haut de la Montagne Sacrée :
"Hommes!! Vous ne comprenez donc pas? Je vous ai créés du néant, et peux vous y remettre dans l'instant! Je suis la Toute-puissance qui est et n'est pas, qui fait et ne fait pas, qui décide et...c'est comme cela.(hum)
Il va donc falloir que vous vous conformiez à mes desiderata, à savoir pas question de se voler, de se taper, de se tuer, de convoiter la femme de son voisin de palier sans mon assentiment."
Mais Sa Progéniture continua de plus belle, ignorant ses instructions Divines! Comment cela était-il ne serait-ce que pensable?
Le porte-voix de Dieu était un modèle spécial : il suffisait d'y murmurer pour que la terre elle-même tremble sur ses fondations; y crier revenait à déclencher le tonnerre, voire pire un cyclone... Le Créateur toussa un bon coup dedans. Les Hommes se tinrent cois, l'oreille soudain dressée, l'œil exorbité par la peur de la Voix Céleste, comme des lapins guettant le chasseur au coin d'un fourré. C'est alors que le Créateur réalisa : "Mais bon sang mais c'est bien sûûûr! Ils m'entendent de ce côté-ci, mais pas de ce côté-là! J'ai beau m'égosiller à un endroit E, à un moment M, à un instant I (bon ça va j'arrête là ça commence à me les gonfler), s'ils ne peuvent pas se passer le mot, c'est comme des poissons rouges : ils oublient! Il faut répéter, répéter, amplifier,éduquer, conditionner, bourrer leurs petits crânes en per-ma-nen-ce pour que le message passe!! Eurêka!"
De joie, Il en avait renversé son reste de sandwich, partout, de la mayonnaise bas de gamme sur la Céleste Moquette Ikéa. "Ehhhh meeerde!!!".
Il inventa alors les médias, et les leur donna.
allez ça y est! suffit de dire "peureux comme un lapin" et il me sort un truc qui fout les jetons |
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Pandit patientait dans les bouchons depuis deux bonnes heures déjà. Il avait prévu de rejoindre sa grotte sur la montagne depuis trois semaines, mais il avait dû modifier quelque peu ses plans : une grève surprise des transporteurs aériens, puis une panne d'automobile en pleine jungle, et des émeutes "de la faim" dans le bas Rajahstarinian avaient contrarié ses plans. Il en était à essayer de rejoindre la Route de la Colline par ses propres moyens, à savoir un tacot poussif loué à prix d'or chez ces voleurs de Sikhs de la capitale, et maintenant, ces bouchons qui n'en finissaient plus...
Pandit tenta un regard vers la droite, c'est alors qu'il vit la jeep sur le bas côté : 2 reporters en sortaient, appareil photo au poing. Un troisième larron suivait avec une caméra; derrière, se remaquillant brièvement, une speakerine en tenue de combat : gilet à poches, pantalon de lin brun, et micro à la main. Ils courraient vers ce qui semblait être le nœud du problème : à l'avant du bouchon, un attroupement s'était formé. Des cris fusaient, de la fumée montait dans le ciel. Pandit sentait depuis quelques instants l'électricité dans l'air; l'énervement était palpable, le silence de la forêt toute proche anormal : pas un oiseau, pas un mammifère visible à des centaines de mètres, ils avaient tous décampé face à l'imminence du danger.
Les autres Gens étaient coincés, comme lui, mais ils ne semblaient pas l'avoir remarqué : il n'y en avait que pour la voiture de devant, qui bouchait le passage. La main continuellement appuyée sur le klaxon, les Gens s'énervaient : ils voulaient rentrer chez eux, vaquer à leurs "occupations" (regarder la télé? un film? s'avachir sur le canapé? ne plus penser?) et pour cela il n'y avait pas de mots assez durs envers le pauvre hère qui avait osé se faire emboutir par ce camion, là, devant..la voiture n'était plus que débris, et ses occupants ne valaient pas mieux. Quand au chauffeur du poids lourd fautif, poids lourd encore encastré dans les restes de la Tata hors d'usage, il était interviewé en ce moment même par les journalistes.
veau d'or moderne |
Les yeux des Gens étaient tout sauf vrais : ils brillaient d'une excitation irréelle, maladive même. Une espèce de fièvre s'emparait de la foule en présence d'une caméra et de la possibilité de passer à la télé. Des jeunes gens se faufilaient derrière la présentatrice, enjambant les débris sanglants de l'accident, pour faire de petits signes ridicules à la caméra. Ladite présentatrice se tenait droite, ignorant superbement les importuns; de temps à autre elle rajustait son oreillette, tout en guettant le top départ du caméraman. Le gars ensanglanté gisait dans l'habitacle, inconscient, au milieu du tumulte des secouristes qui tentaient désespérément de l'extraire du véhicule qui commençait à prendre feu. C'est alors que le "top" du caméraman embrasa la foule: "aaahhh !!"..
Pandit abandonna sa voiture et continua à pied, dépassant l'attroupement pour se diriger vers le sentier qui se dandinait au bas de la colline.
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Pandit marchait vite. L'explosion de la voiture, quelque cinq minutes plus tard, n'interrompit pas la réflexion qu'il venait de démarrer...
la solution du futur ? une prise neurale... |
bluetooth à l' africaine : toujours aussi inventifs ces indigènes |
Partout, sur la planète on pouvait savoir en temps réel le malheur qui s'abattait à des milliers de kilomètres de là : plus besoin de bouger de chez soi. Plus besoin d'aller voir si le voisin allait bien, de s'intéresser au gars qui mendiait en bas de chez soi, sur le trottoir. Quelle merveille!
4 ans que les Français parlent à un mur..... |
Il avait vu tellement de Gens se faire zombifier par ces "instruments du bonheur" qui prétendaient les libérer, mais qui les asservissaient dans la plus simple des réalités...
10contre1..qu'on ne me dise pas que l'insécurité est un faux argument de droite! |
Pandit partit à nouveau d'un grand éclat de rire : ces médias étaient vraiment très forts, ils avaient failli lui gâcher sa journée!
Il arrivait au pied du sentier.
Il redoubla d'efforts en attaquant la montée.
Derrière lui, les sirènes hurlaient dans la nuit qui tombait.
tu ne nous ferais pas une petite déprime, là ? L'image des voitures arrêtées a cause d'un accident m'a soudain fait penser à un film argentin vu récemment (au cinéma) "La pluie" (Lluvia) , film génial, mais aussi à la scène de l'accident du "Corniaud" revue hier soir (à la télé).
RépondreSupprimerTon interrogation est essentielle, et ton propos amusant-grinçant nous incite à, nous aussi, nous interroger.
Ajoutons à ce questionnement-là, un autre : n'est-ce pas aussi grâce à ces médias, ces smartphones, FB, et autres blogs, qu'en Tunisie, et surtout en Egypte, on a fait une révolution ? et que, déjà avant, en Iran, mais aussi en Chine, le peuple a essayé de se libérer.
L'humanité toujours dépassera, et sublimera, les individus isolés.
Ayons confiance.
Révolution numérique peut-être, mais "réaction" particulièrement basique, violente, agressive, et passablement étendue partout, surtout.
RépondreSupprimerJ'aime bien ton billet, cependant il me semble que ce sont tous les pouvoirs en place, économiques, politiques, qui voient les "outils de communications" comme un danger qui les menace, eux.
Après, cette obligation technologique qui nous fait nous ressembler l'un à l'autre comme un troupeau de boeufs regardant passer le train, certainement... mais en ce qui me concerne, c'est surtout le fait que la plupart des gens n'ont même pas de quoi se nourrir, qui me dérange, où sont maintenus dans l'ignorance et la soumission la plus grasse pour le plaisir d'une crapule au pouvoir, alors si avoir un ordi signifie pouvoir "echanger", communiquer, ne plus subir ou ne plus se soumettre, là, mon cher Toff, je ne te suis plus...
(A moins de n'avoir rien compris à la teneur du billet, ce qui serait très possible au vu de l'heure avancée)
salut les amis ;)
RépondreSupprimerpour vous faire une réponse globale (jsuis feignant en ce moment! en plus en plein déménagement, donc je ne suis plus trop scotché sur mon cher ordi"révolutionneur" numérique) non je ne suis pas forcément pessimiste, mais cette réflexion je l'ai depuis un moment.. alors effectivement on ne peut pas généraliser, il existe plusieurs façons d'utiliser le net notamment, le net militant et engagé existe, nous en sommes la preuve quelque part non? Mais c'est cette écrasante impression de majorité silencieuse qui m'étouffe. Le fait de se dire que, comme autant de millions de Français qui ne font QUE regarder TF1, il y en a un ahurissante majorité pour qui ces nouveaux outils (au premier rang duquel le web) ne sont QUE pour du divertissement, ou un faire valoir, ou un énième moyen de digérer de la pub, de la domination sociale, ou des saletés à grande échelle. Mais je parle là e nos sociétés industrialisées, qui vivent dans le confort...
En Tunisie, en Egypte, là ou les peuples souffrent et où la grand majorité n'a presque rien, le web et beaucoup plus utilisé comme catalyseur social, un relais.. mais les gens sont quand même descendus dans la rue risquer leur peu, à un moment non? chez nous, imaginons un instant si il y avait un soulèvement (rêvons un peu) : ne resterait-il pas cantonné à twitter, ou facebook? combien descendraient réellement dans la rue, pour menacer le pouvoir en place? La réponse je pense hélas la connaître : regardons l'exemple des retraites... ou les "apéros facebook" : voilà tout ce dont nous sommes capables, chez nous. Tout ceci est bien triste. Il s'agit vraiment, selon moi, d'un effet de masse dans une société individualiste et repliée sur elle-même au dernier degré... pessimiste vous avez dit?
Ok, pigé.
RépondreSupprimerDans ce cas-là, tout à fait d'accord avec toi