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dimanche 30 octobre 2011

écran plat

O Seigneur, par pitié, accorde-moi la joie
d'accéder aux sirènes du bonheur, à l'ivresse
de la possession, au plaisir de la paresse, à l'octroi
du luxe sous toutes ses formes, y compris celles de la finesse

de la plus belle et désirable chose qui soit :

la beauté d'un écran plat.

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Méga-beauté d'une époque où tout se voit, où tout s'achète, où tout se monnaye, où tout se vit par procuration sur un bel écran plat.

19/9èmes, sorties optiques plaquées or de haute qualité. Son et images "HD Ready", technologie "crystalizer", LEDS à longue durée de vie, rétroéclairage, VGA DVI HDMI/TFT dalle IPS 28" wide, temps de réponse 5ms, résolution 1920x1080, contraste évolué de 5 000 000:1, Tuner TNT/MPEG4 intégré, luminosité 250cd/m², USB (photo et audio), D-Sub, composite, Péritel, Full Scart ,prise casque (arrière), entrée PC, et bien sûr hauts-parleurs intégrés 2x10 watts en façade.

Mais livré sans pied, hein.

Passque faut pas déconner non plus : vous savez combien ça coûte, en bridés/horaires, à fabriquer cette saloperie? Vous n'avez vraiment pas idée... Sans parler de tous les métaux lourds qu'il faut extraire de cette chère mère-nature et placer là, le temps de fabriquer le bouzin, bien sûr. Cadmium, zinc, silicium, arsenic, plomb, bromure, mais aussi le merdier autour, l'emballage : plastique, donc pétrole, plus carbone, plus papier, plus gaz rares, genre chromure de merdium en phase gazeuse avancée à haut pouvoir de réflection électroluminescent. (non en fait c'est plus de phosphore dont il est question, je crois).

rien de tel pour la paix de l'Etre
Tout ceci pour arriver à cet objet ultime, ce symbole de ce que le capitalisme, la société de consommation et la Banque Carrefour-Crédit-Pass en 10 fois sans frais nous permettent d'acquérir, nous offrent de plus évolué, de plus jouissif, de plus bandant, de plus smart, de plus nec-plus-ultra-du-je-le-veux-mais-putain-c'est-quand-même-pas-donné-1500-euro-va-falloir-en-bouffer-des-pâtes-pour-se-le-payer-ce-bordel.

Un peu comme un iphone, mais en plus gros, en plus grand, en plus cher, aussi. Merci au Steve Jobs de l'écran plat, je sais pas qui c'est, mais il est au moins l'égal, à mes yeux, de Gandhi, ou d'Adolf Hitler, à sa façon : il a participé à établir la paix dans le monde, pour des décennies et des décennies. Une espèce de prise de conscience globale, que nous sommes de plus en plus inconscients, hypnotisés, devant notre bel objet qui luit, le soir, comme les étoiles au dessus de nos têtes, comme ce vide de l’espace entre elles, et à l’intérieur de nos têtes du coup, aussi. Étrange miroir cosmico-consumériste que celui-ci, non? Vous trouvez pas?  Nan, jsuis sérieux, je déconne pas : c'est prouvé, y a des étoiles dans l'espace, et du vide entre elles. Beaucoup, beaucoup de vide. Allez savoir comment ça tient, tout ce merdier?

Quoiqu'il en soit mon bel écran plat est un Don, un Cadeau fait à l'Humanité toute entière, peut être même qu'il vient du cosmos, ce Cadeau, allez savoir, des petits-gris, genre ceux qui se sont posés à Roswell, ils nous ont donnés cette technologie, peut être contraints-légèrement- par ces braves Ricains en pleine Guerre Froide, un ptit bout de bidoche enlevé par ici, un ptit coup de menaces par là, imaginez la scène :

je viens en paix, moi aussi
-"Mais tu vas la cracher, ta putain de technologie militaire espèce de pourriture extra-terrestre? Allez, magne-toi, j'ai pas que ça à foutre, j'ai une guerre à mener, et des Soviets à niquer! Vazy accouche-le, ton rayon de la mort!" Le soldat-béret vert expert ès tortures en tout genre s'acharne depuis des heures sur la pauvre petite chose recroquevillée sur la table en formica. Nous sommes au cœur de la Zone 51, area Top-secret, Men in Black allowed only. Des gardes avec des M16 partout, miradors, clôtures électrifiées et bergers allemands avec patrouilles en rangers toutes les cinq minutes. Pas moyen de s'échapper, le petit-gris est dans de mauvais draps, c'est sûr. Ça fait des jours et des jours que ce GI le torture, lui faisant subir les pires supplices (Céline Dion à donf, discours de Sarkozy, lectures à haute et intelligible voix du quatre-vingt-dix-huitième tome des mémoires de Jean d'Ormesson,etc.etc.)

Et ce con d'alien de balancer le premier truc qui lui passe par la tronche, car c'est décidé il n'en peut plus, autant lâcher l'affaire tout de suite, là il sort tout ce qu'il a de plus précieux, ZE secret ULTIME, genre la technologie des LEDS qui sert à fabriquer des écrans  plats. "Nous venons en paix", qu'il dit, tout en griffonnant, d'une main fébrile, des consignes sur le calepin que la grosse brute aux mains ensanglantées lui tend, impatient. Il trace des figures géométriques abstraites avec ses trois doigts-spatules, genre "pitié-ne-tirez-pas-tout-de-suite-dans-la-tête-honorable-militaire", "je vais vous donner ce que vous désirez : le moyen d'enculer tous ces bolchéviques à sec, et sans vaseline!"

programmes électoraux (faut voter)
Il contribue, sans le savoir, en  révélant ce secret, à l'ouverture d'une ère de jouissance nouvelle, un but à atteindre, l'objet ultime à acquérir, pour qu'enfin nous nous accomplissions, ma mie, et que nous atteignions ce Graal qu'est la contemplation de Secret Story, ou de La Ferme Célébrités, ou Koh-Lanta, sur écran plat. Ou ce JT de Jean-pierre Pernaut, un verre de Ricard à la main, que je me délecterai de regarder, de digérer, parlant de "la France de nos régions", si belles, si chères à mon cœur, ce cœur d'électeur moyen fatigué par une dure journée de labeur, affalé sur mon canapé-trois pièces en simili-cuir Ikéa je suis si bien, vite passe-moi la télécommande, kessya ce soir dans le poste, tiens le JT? Cinq minutes pas plus hein, après je déprime, mais quand même en période de crise il faut savoir s'informer, en période préélectorale encore plus, mais merde quand est-ce que ces putains de moutards vont arrêter de brailler que je puisse écouter, t'as qu'à les mettre devant un dessin animé ou la XBox, jsais pas moi, et au fait, pourquoi t'as pas pris des chips au supermarché, connasse! File dans ta cuisine, avant que je lave le sol avec ta tronche!

Mais je m'égare, on en est pas encore là, qu'advient-il de notre ami alien bienfaiteur de l'Humanité? Il vient de lâcher le morceau quand même, c'est pas rien! S'est-il reconverti en entrepreneur à la Steve Jobs, ou quoi? LA suite :

Le béret vert hoche la tête, grommelle quelques borborygmes d'approbation, tout en suivant du coin de l’œil la progression des équations sur le calepin... Au bout de trois minutes, le transfert de technologie s'effectue : le schéma d'une arme redoutable semble s'esquisser, cette petite chiure de mouche intergalactique et pantelante en aura mis du temps quand même! Mais elle a fini par dessiner  une sorte de gros rectangle lumineux; on distingue des rayons qui sortent de sa surface, et se projettent loin devant, en un cône luminescent. Il semble se dégager une immense énergie du truc, et les équations en dessous le prouvent, le scientifique qui vient d'arracher le papelard à la grosse brute rajuste ses lunettes en écaille d'un geste fébrile, ils tiennent là un truc qui va tout péter, c'est sûr, jvous raconte pas la gueule de ces putes de Soviétiques quand il vont savoir ça!

ils entrevirent immédiatement les possibilités du truc
Des années qu'il attendait ça, enfin! Il va au tableau noir d'une démarche appuyée, appelle ses collègues chenus et barbichus restés dans la salle à côté, "mais bon sang c'est bien sûr j'le savais!" fait-il en se tapant le front d'un geste dégoûté, "j'aurais dû m'en douter avec un peu plus de temps cette salope d'alien ne m'aurait rien appris que je ne sache déjà, m'enfin voyons, enfin quoi, hein, ho bon non mais..." alors là je disais, il tend le papelard à ses autres collègues scientifiques en blouse blanche, ceux-ci aussi se tapent le front d'un air éberlué, "mais bon sang mais c'est bien sûr nous nous en étions doutés, mais quelle salope ce petit-gris de nous avoir caché ça, hein, non mais franchement, hein, ho, bon mais..." font-ils tous en cœur. Ils tiennent là une avancée technologique majeure, y a pas de doute.

E.T. é-cran plat mai-son, E.T., é-cran-plat mai-son, E.T.,...
Et ils foutent le camp discuter des possibilités de cette nouvelle technologie devant la machine à café, laissant le soin à la grosse brute au béret vert et aux idées courtes de coller une balle dans la tronche de cette pourriture de l'espace. Ce qu'il fait dans la minute qui suit. L'alien aura beau le regarder avec des yeux mi-implorants mi-larmoyants, lui balancer des messages télépathiques pacifiques à tire-larigot, lui faire le signe V de la victoire genre "peace and love" avec ses deux doigts-spatules restants (le troisième étant resté sur la table en formica, entre les mâchoires de la pince Monseigneur de ce cher béret vert), rien n'y fera.

-"Nous venons en pa**-"BANG!

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enjoy a new way of life & death
Et voilà la vraie histoire de la genèse de cet objet de toutes les envies, de ce symbole vivant du matérialisme le plus béat qui soit, mais cette histoire-là, c'est pas dans les livres "officiels" qu'on vous la racontera, mettez-vous bien ça dans le crâne. Alors oouuuiiiii, c'est sûuûr, je vous raconte pas la gueule des scientifiques quand ils se sont aperçus que "l'arme" en question n'en était pas une, du moins pas au sens où ils l'auraient voulu... mais pas grave, ils se sont bien démerdés quand même, et ont su la faire tomber dans le domaine public, cette technologie redoutable. Ca a bien pris quelques années, mais ça a finalement fini par niquer ces salopes de russcofs pour de bon. Selon l'enchaînement de circonstances désormais bien connu : diffusion du capitalisme et de son mode de vie enviable via les ondes TéVé=>envie du peuple tombé en esclavage sous le joug des rouges=>révolte à la porte de Brandebourg=>désintégration de l'URSS=>récupération par l'économie capitaliste=>vente d'écrans plats en constante augmentation=>lavage de cerveaux à grande échelle=>apparition d'indignés sur Facebook.

Voilà comment ça s'est vraiment passé. Je le jure, j'ai des sources.  Ça c'est du off, mais c'est du lourd, du vécu mon gars, du truc qui en a de la saveur, pas de la manip' de bas étage mais du réel, du concret, du sérieux, un vrai taf d'historien, avec peu (oh vraiment très peu) d'ajouts de circonstance, ça me fait penser à un plaisir simple en fait, un peu comme un Havane qu'on sait interdit, en période de blocus Cubain, entre les mains pleines de bagouzes du mafiosi local, costard rayé trois-pièces impeccables et cheveux gominés plaqués en arrière, il en aspire de longues goulées avec ce sourire béat sur la tronche, à chaque fois ça découvre sa dentition en or massif, putain ce que c'est beau, là il se renverse en arrière sur son fauteuil en cuir avec dans les yeux ce "c'est moi le Boss", vous comprenez? Non? Pas grave : en fait je voulais juste dire qu'on ne peut qu'apprécier, en sachant que ce sera peut-être la dernière chose qu'on savourera sur cette terre.

J'ai à peine romancé le truc, histoire de le rendre plus agréable à lire, mais ne vous méprenez pas : la réalité est beaucoup plus triviale. Un drame est survenu dans ma vie, cet été : ma vieille TéVé à tube cathodique est tombée brusquement en panne, un beau jour de juin, et là, la question s'est posée, tout naturellement. Devais-je m'acheter un bel écran plat tout neuf, ou aller aux putes?

J'arrête là le suspense insoutenable : je suis allé acheter le dernier livre de BHL. C'est moins exigeant, intellectuellement parlant.

il a pas eu le temps de me faire un autographe : j'en ai mis partout
A chacun sa croix.