Ce n'est pas la peur qui s'empare de moi, mais bien la terreur qui essaie de forcer les portes de ma raison.
A grands coups de masse, l'un après l'autre enfonçant un peu plus le chambranle, minant le bois, affaiblissant les multiples serrures, détruisant un à un les verrous que j'ai posés, voilà des années.
Pauvre idiot que j'étais! Comme si on pouvait se défaire de ce qui n'existe pas... Pas ici, pas dans cette dimension. Même pas dans une autre, parallèle. Mais entre les plans; car oui, entre les dimensions, il existe des choses.
eh oui : le son peut rendre fou -surtout la nuit |
Vous ne me croyez pas? Forcément, bien sûr, comment le pourriez-vous? Je ne vous en blâmerai pas, mais en fin de compte qu'importe! Je m'en moque : cela ne les empêchera pas de me trouver, je l'ai hélas réalisé bien trop tard, d'autant plus que cela ne les empêchera pas de venir vous chercher aussi -ahaha.
euhh...on va pas trop s'étaler, no comment hein... |
Cher lecteur, par l'intermédiaire de ces quelques notes, je te mets en garde : toi qui as eu la malchance de trouver ceci, saches que nous ne sommes pas seuls dans cet univers. Tu as des certitudes sur la toute puissance de "l'Humanité?" Tu penses que le genre humain est le plus évolué, le plus puissant, le plus abouti de toutes les espèces qui ont peuplé ce bout de caillou perdu dans le cosmos, que l'on appelle aujourd'hui "Terre"? Pour notre plus grand malheur, je te répondrai non : dans le noir infini du cosmos nous sommes moins que des poussières, et il existe des choses qui dépassent notre entendement. Des choses qui peuvent te faire sombrer dans la démence à la simple évocation de leur nom. Des choses qui remettent en cause ta perception même de la réalité. Saches que ces choses, cher lecteur, je les ai vues, je les ai entendues, j'ai éprouvé la totale inhumanité de leur nature. Par quel miracle ai-je pu croiser leur chemin, oseras-tu me le demander?
Tout est parti de mes recherches : si seulement je n'étais pas tombé sur ces ouvrages impies! Leurs pages moisies et dévorées par les vers hantent encore mes cauchemars.
J'ai lu les phrases issues d'un savoir ancien et oublié qu'elles contiennent... Je le confirme, ces invocations ne peuvent avoir été écrites que par un fou! Comment décrire ce qui s'est passé sans vaciller à nouveau?
Je ne suis qu'un modeste universitaire chercheur en Langues oubliées, doublé d'un mélomane féru de mélodies anciennes. Depuis ma prime jeunesse je n'ai eu de cesse de parcourir les rayonnages des plus prestigieuses bibliothèques, des universités les plus renommées, des lieux de Savoir les plus inaccessibles. J'ai arpenté les cinq continents à la recherche de ces fragments du Savoir Perdu...
Baba Yaga - elle était cool (je sais c'est nul) |
J'ai passé les trente dernières années de ma misérable existence à poursuivre cette folie : pas de famille, pas d'enfants, pas d'amis. Plus aucune passion à part celle-ci, qui m'a littéralement dévoré les entrailles. J'ai parcouru les cinq continents à la recherche de ces maudits Fragments, j'y ai laissé les plus belles années de ma vie, résultat? Quand je touchai enfin au but ce fut pour m'apercevoir que c'était la pire des choses que je traquais. Que cette quête était insensée, que mon Grand Œuvre était plutôt une basse malédiction, une sombre menace qui planait, tel un oiseau gigantesque, sur notre monde tout en attendant son heure... Que toutes ces absences, toutes ces disparitions (famille, amis...) dans mon entourage n'étaient pas l’œuvre du hasard, mais le résultat de cette chimère que je poursuivais depuis si longtemps, de cette promesse que je m'étais faite, ce maudit soir, allongé sur mon grabat de convalescent, dans cette masure abandonnée des hommes au milieu de la Sibérie..
ouvrage impie certifié © toute prononciation interdite |
J'ai commencé à déchiffrer ce qui pour moi était l'aboutissement de toute une carrière, de toute une vie : ses pages qui tombaient en morceaux, recelant un Savoir Ancien, oublié là depuis des centaines d'années. Un miracle! J'ai commencé à en comprendre le sens caché; j'ai alors décidé d'en suivre la symbolique. J'ai longtemps observé les étoiles, attendant l'instant propice. J'ai patiemment suivi les instructions afin de "préparer la porte". Quel pauvre fou j'ai été! Pourquoi y ai-je tout simplement cru, me demanderez-vous? Parce que l'aboutissement d'une vie de recherche ne pouvait se résumer à un simple manuel d'occultisme : il s'agissait nécessairement de quelque chose de supérieur, d'ultime. Je le ressentais au plus profond de moi, l'ouvrage maudit vibrait littéralement sous mes doigts. J'ai donc fini par me résigner à tenter l'expérience.
J'ai prononcé les paroles au moment propice : difficile me direz-vous, ces sons, on eut dit qu'ils n'étaient pas faits pour être prononcés par un Homme! J'y ai quand même réussi, j'ai bouclé le cercle et ouvert une porte sur...sur le vide.
Il n'y avait rien; rien que je visse au premier abord, en fait. Il ne s'est rien passé, et je me suis endormi, épuisé.
C'est au bout de quelques jours que les cauchemars ont commencé...
Pas seulement des cauchemars : on eut dit que je vivais littéralement la scène du point de vue, parfois d'un spectateur, mais horreur, au fur et à mesure des nuits qui passaient, également de celui d'un acteur... Tableaux étranges, ou j'étais mi-homme mi-poisson, plus rampant que nageant dans les bas-fonds fangeux de quelque cyclopéenne cité en ruine. Quelque part dans le pacifique j'abandonnais cette Humanité chancelante en même temps que les lambeaux de peau de mon enveloppe charnelle...en dessous, des écailles, et ce simple fait ne me choquait même pas car je pensai tout à coup différemment; il fallait absolument que je plonge dans ces bas-fonds obscurs et glacés pour rejoindre père et mère.
Titanic petits joueurs |
A chaque fois je me réveillai en hurlant, en proie à la sueur et au doute : étais-je en train de devenir fou?
pas de quoi en faire un fromage:fallait bien que ça arrive un jour |
Cela fait maintenant des jours et des nuits que je travaille sans relâche; selon les instructions, je devrais être prêt du but. Les choses se sont rapprochées de ma fenêtre depuis quelque temps : elles n'ont plus peur de se montrer dès la tombée de la nuit. De toutes façons, qui pourrait les déloger ? Tous les domestiques ont abandonné leurs charges depuis bien longtemps, ils ont fui sans demander leur reste...
quelque chose derrière la porte- oh 3 fois rien |
Je couche ces ultimes mots sur ce carnet : je le laisse au premier malchanceux qui tombera dessus. A charge pour lui de prendre le relais! Ce poids est trop lourd pour mes seules épaules : mon fidèle Smith & Wesson est maintenant chargé, à portée de main. Quelle ironie! Avec le recul, je m'aperçois que c'est le seul ami qui me reste : il m'a toujours été fidèle, il ne dérogera pas à la règle, j'en suis sûr.
Seigneur, je les entends encore : à nouveau ils sont sous mes fenêtres! Ils ne me laisseront donc jamais en paix? Partez, allez vous-en, je refuse de continuer! Ce bruit qui s'approche, je vais v-----
H.P. Lovecraft - 1890-1937 |
Hé ho, balle à blanc, hein ? Pas de blague, pas envie de rester tout seul dans ce merdier.
RépondreSupprimerDès "début de soirée", j'ai su que je commençais à débloquer moi aussi...
Bravo, particulièrement évocateur.
heureusement que nous sommes tous mortels ;))) si l'enfer est "les autres" (d'ici ou ailleurs), à moins qu'on ne croie à l'enfer... et à l'errance éternelle après notre mort, pas de quoi s'inquiéter. J'espère que tu vas bien ;))
RépondreSupprimermerci les amis.. tout va très bien, en fait je n'ai jamais été aussi bien qu'en ce moment. Bien que ce fichu billet m'en aie fait voir -le style Lovecraftien est vraiment difficile à retranscrire, j'ose espérer y être un peu arrivé, faudra retravailler ça...mais je n'arrive pas à la cheville du Maître! initialement c'est un texte pour un groupe de musique (curwen's odd legacy, vous trouverez le lien dans la bloroll pour ceux que ça intéresseraient) mais c'est allé bien plus loin.. Concert le 21 à Marseille Cours Julien, on y est presque!
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