Sévice Public

Dans le fond il est consternant de constater à quel point de médiocrité ce pays en est arrivé.
Au fond de quel gouffre intellectuel, derrière quel hypocrite vernis pseudo-culturel nos "zélites" s'abritent.

Les sommets sont plus que souvent atteints, ces derniers temps, par la petite minorité qui impose ses vues à la majorité la plus silencieuse, la plus docile et la plus abrutie par des années de passivité.
Et je tiens cette même minorité pour responsable de la misère intellectuelle et morale (avec Nicolas, bien sûr! Partageons les responsabilités quand même...pas nos apéros, car je déteste partager mon rosé avec des inconnus) dans laquelle s'est enfoncé ce pays, et qui est en train de tous nous mener au fond du précipice.
 Ces bandes de pseudo-gauchisses boboïsants qui trouvent que "culturer, c'est bien, mais faire ch**r les autres avec, c'est encore mieux!"

Il en va ainsi chez nous comme ailleurs, me direz-vous : ce fatalisme me laisse sans voix, nous devrions bien pouvoir faire quelque chose au lieu de subir continuellement, non?

Un seul regard, et tout est dépeuplé

Mais au fait, de quoi est-ce que je veux parler exactement ? Vous avez raison de me la poser, celle-là! Permettez moi d'y répondre, jeunes impudents..
Je veux parler des Zintellos. Plus précisément des Zintellos de "dedans le poste" vous voyez? Vous savez, ceux qui se présentent comme ça, avec la panoplie complète du parfait Grand Penseur Contemporain.

-Primo les lunettes : de préférence cerclées de noir, à porter sur le front ou dans les cheveux.
-Secundo les cheveux, justement : pas trop courts, les laisser mi-longs style crinière, liiiibres comme vos idées sont censées l'être.

Recalé! il manque la barbe

-Tertio les vêtements : préférez les chemises blanches à col en v, ouvertes mais pas trop, avec veste de costard foncée-à rayures discrètes, c'est encore plus classe! Le parfait Street Wear sera complété par un Jeans bleu délavé style Levi's qui sera du plus bel effet.

-Quarto : pour compléter le look, adoptez une barbe naissante, une discrète chevalière en or à l'annulaire et vous êtes parés.

A défaut de l'entendre, on le voit penser

Pour les idées, c'est moins compliqué : révisez votre vocabulaire, employez le plus possible de mots compliqués, si possible ne voulant rien dire et les uns à la suite des autres, faites des phrases longues, ayez une intonation changeante et non linéaire (style "les dernières paroles d'un mourant ayant tout à coup découvert Dieu et la Foi" puis qui retombe périodiquement en enfance), parlez en ayant l'air pénétré non mieux habité par ce que vous énoncez bref en un mot comme en cent : ayez l'air d'en connaitre un rayon, d'aimer penser et adorer débattre, et faites votre cette maxime du très estimé Pierre Perret : "un intellectuel est un type qui est rassuré quand il n'est pas compris".

A ce moment de mon petit laïus, je sais ce que vous pensez, chers lecteurs : vous m'imaginez en petit être blafard et aigri, accroupi derrière un écran poussiéreux, tapotant fiévreusement de ses doigts griffus sur un clavier dégueulasse des billets transpirant la haine et la jalousie. Et vous vous dites : ce type est envieux. Il s'est trompé de carrière, encore un intellectuel qui n'a pas réussi à imposer ses vues, à devenir célèbre...du coup il crache son venin dans ce blog minable!

Et vous n'auriez pas tort, qui sait? (!) Car il est vrai que je n'ai pas eu la chance de passer sur les plateaux de télé, là où tout se joue. Dans les émissions où il faut passer pour exister : Drucker, Frantz-olivier, Ardisson, etc... Qui sait quelle carrière j'aurais pu embrasser alors?

Moi aussi, j'aurais pu croiser le fer, autour d'un verre de Badoit, cogiter au milieu d'un décor épuré faisant  rejaillir les fulgurances de ma pensée. J'aurais pu littéralement (littérairement?) tordre mes contradicteurs par la puissance de mon Verbe, noyer leurs vélléités de résistance sous un flot ininterrompu de références culturelles, les contraindre au repli à coup d'affirmations tautologiques (allez-y, allez chercher dans votre dico bande d'incultes!), énoncer de savantes rhétoriques post-colonialistes à tendances néo-conservatrices légèrement marquées à Gôôôche ( faut pas abuser non plus, je suis un Humaniste avant tout quoi!) tout en regardant fermement la caméra, droit dans l'oeil. Qu'est-ce que je leur aurai mis!

Je le crois pas! Ils ont même infiltré Kohlanta..

Et tout ceci en deuxième partie de soirée, bien évidemment parce qu'il ne faut JAMAIS essayer de développer un tant-soit-peu le cerveau conscient du Français de base en prime-time, je tiens cette maxime d'Etienne de Mougeotte lui-même. Les "neurones" (disons ceux étiquettés comme tels à la TV, nuance), c'est pas à l'heure de Koh-Lanta ou de Joséphine que ça se travaille, tout le monde sait ça, hein. Non un neurone de Bon-Citoyen-qui-pense-comme-il-faut n'atteint son plein potentiel d'absorption qu'à partir de 22h30, après la pub de préférence. Là il est prêt à recevoir sa dose. Pensée Unique, 20 milligrames. Préparation pour injection intra-cérébrale quotidienne. Dépasser la dose prescrite. Effets durables garantis. Vaccination obligatoire dès l'âge de sept ans. Approuvé par le Ministère de la Santé et Roselyne B.

Exemple pratique : n'oubliez pas la première du genre de la saison, ce soir sur France 2. Ca s'appelle "Semaine Critique", c'est présenté par Frantz-Olivier Giesbert (alias "FOG" pour les intimes et les Parisiens), et ça se commet à 23 heures, sur la chaine du Service Public. Ca ne peut donc être "que bien" si ça passe à cette heure-là. Laissons à TF1 le monopole de la bêtise à 20 heures trente, chacun son créneau.

intello en pleine séance de réflexion sur lui-même

Le principe? Des invités, "intellectuels" ou considérés comme tels, qui débattent, argumentent, commentent l'actualité. Je dis "considérés comme tels" parce qu'il y a parfois des apparentés -dans le cas de ce soir, c'est un homme politique (Jean-luuuuuuc! Mélenchon) qui s'y colle. Car oui, les hommes politiques font aussi de très bons intellectuels, ne froncez pas les sourcils comme ça. C'est même leur fonction première : ce sont des intellectuels en plus grand. Ils sont passés de la théorie à la pratique, voyez-vous.

 Là où un vulgaire BHL, voire un Glucksmann de base, va juste affirmer "qu'il faut aller faire la guerre en Irak pour libérer le peuple irakien etc.etc." ehh bien le politique va faire voter une loi et la faire appliquer, histoire qu'on aille effectivement casser la tronche de tous ces bronzés de terroristes.
Là où un vulgaire Alain Minc va déclarer "le capitalisme est un pari sur le mouvement, c'est de là que vient le progrès"...un Jospin va signer les décrets de privatisation de la Poste en 2001 (ou un DSK introduira France Télécom en bourse en 1997, où un Bérégovoy entamera la libéralisation des marchés fianciers dès 1984, etc etc..). Parallèle intéressant, mais pas le seul : l'intellectuel ne croit pas forcément ce qu'il dit, tout comme le politique ne croit pas forcément ce qu'il promet-bien que l'on s'y casserait le nez, je vous jure!

 De vrais professionnels, ces deux "métiers"(je ne trouve pas de terme plus approprié) qu'on imagine si éloignés au premier abord,  pourraient aisément se rejoindre sur un troisième type de carrière, celle d'acteur. Qu'on songe à Bernard Tapie : quelle formidable reconversion (en passant certes à son corps défendant par une carrière de figurant dans l'institution pénitentiaire, institution où il aurait fait, paraît-il des miracles)! C'est là qu'on peut leur trouver une autre qualité, à tous : l'adaptativité, ou comment se sortir du caca le plus ignoble, de la tourbière la plus infâme, tout en faisant croire que tout ça "c'était calculé, ça faisait partie du plan", pirouette cacahuète quoi! Pour être intello à la TV, il faut être en permanence adaptatif. sous peine de se faire ridiculiser, ce qui est très mal vu dans ce milieu-mais qui ne signe pas forcément la fin de votre carrière, car vous rebondirez toujours. Jusqu'à la prochaine...

Une qui ne regardera pas ce soir:elle aime pas Mélenchon

Pardon pour toutes ces digressions, mais revenons à nos veaux moutons.
Les invités de l'émission de "FOG", ce soir donc, seront Alain Minc, Jean d'Ormeuuuhsson, et Jean-luc Mélenchon. Parfait équilibre, jugez vous même! Un intellectuel en activité "plutôt proche du pouvoir", (très important çui-là, c'est lui qui a le plus d'idées, et il les défend vraiment très bien), un autre "de qualité supérieure" plus "arsenic, vieux  monarchistes, vieille droite et vieilles dentelles" et un dernier, pour faire contrepoids (toujours très important le contrepoids, obligatoire même sous peine de déséquilibrer l'émission!). Un de taille, ou considéré comme tel, si possible : un virulent, qui aime ça, que si il était au pouvoir Mao il passerait pour une lavette et Staline pour un enfant de coeur, à côté. Allez, va pour Méluche alors!
Nul doute qu'avec un plateau pareil l'esprit critique n'a qu'à bien se tenir : choisis ton camp camarade! Et tiens-toi y.

Dire que j'allais oublier l'essentiel: la pose! Merci Jean..

 Petite parenthèse sur Jean d'Ormeuuuuhsson : il jouera sans doute le rôle d'arbitre, d'autorité supérieure, pendant que les deux autres seront occupés à s'égorger. Car "Jean d'O" comme le surnomment affectueusement ses pairs de Neuilly, est ce qu'on pourrait appeler la troisième et dernière sorte d'intellectuel : celle qui a le plus d'autorité, de prestige, d'estime (de soi ça c'est certain, des autres ça dépend). Il est de l'Aaaacadééémie Françaiiiseuh, d'une.
De deux, il connait toutes les ficelles du métier, et ne voit plus très bien, en dehors de ce qui l'arrange : c'est l'Homme idéal pour un ce genre de débat!
De trois, il est toujours disponible (parce que personne d'autre ne le comprend, ou n'en veut, de toutes façons), et très courtois en prime (ça fait toujours respectable, un intello courtois. On se sent de suite beaucoup plus fier d'être Français, d'appartenir à la même Nation que ce type! ) Une légitimité par les rides et le grand âge, en quelque sorte...

Une sorte de Super-Intellectuel auquel on fait appel quand on a besoin de donner caution à la première bouse émission philosophico-littératuro-culturelle de l'année, et qu'on ne veut pas qu'elle passe pour ce qu'elle est en vérité : un navet de plus, une machine à faire du vide, un moulin à vent qui tourne sur la plaine aride de ce qui est devenu, il est bien convenu de nommer un chat un chat, le désastre du Service Public Audiovisuel "à la Française".Ouf!

Une émission à ne rater d'aucune façon, vous l'aurez bien compris, mes chers amis...phosphorons ensemble, ce soir sur France 2!

Pour ma part, à la vue du "programme" ainsi proposé, une seule phrase me vient à l'esprit.
Elle était de Baldur Schirach, autres temps, autres lieux...

'Quand j'entends le mot "culture", je sors mon revolver.'