mercredi 23 novembre 2011

Du sport pour les obèses

C'est l'histoire d'un gamin, tout ce qu'il y a de plus normal.

Un beau jour, sa famille lui dit :" tu es trop gros, tu dois mincir. Nous allons donc réduire drastiquement tes rations journalières. Tu vas mincir. Il le faut."

Le gamin sait qu'il a toujours eu un peu d'embonpoint. Oh, oui, il le sait : pendant des années, il s'est empiffré de sucreries, qu'il allait acheter à crédit chez le marchand de journaux. Chez la Boulangère, aussi : ces honorables commerçants avaient remarqué qu'il aimait les sucreries. Et aussi que, parfois, il n'avait pas suffisamment d'argent pour se payer sa dose quotidienne...

-"pas grave!" lui dirent-ils un beau jour. "Vu qu'on sait que tu auras l'argent un de ces quatre, on va faire comme ça : tu prends les sucreries, on note ce que tu as pris sur un bout de papier -une reconnaissance de dette- et dans quelque temps, tu nous rembourseras, avec quelques menus intérêts. Oh, trois fois rien, hein. Juste de quoi faire tourner notre commerce."

Et ainsi fut fait : il avait pu s'empiffrer à crédit, toujours plus, sans trop dépenser pour l'instant.

Mais vient ce fameux jour de la visite médicale obligatoire, où le médecin dit aux parents : "ce gamin est trop gros. Si ça continue, il va exploser : il faut qu'il maigrisse. Et qu'il fasse plus de sport."

Ainsi fut fait :  on réduisit tout d'abord drastiquement les rations du gamin; très rapidement il est affamé, et il maigrit à vue d’œil.

Parallèlement, le prof de sport, à l'école, est mis au courant de la situation. Un beau jour, il lui dit donc :
-"aujourd'hui, il faut que tu coures le 100 m en moins de 10 secondes. Ton score actuel, quoique bon, n'est pas suffisant, il faut que tu ailles plus vite."
remplacer $ par € et vous y êtes

Et ainsi fut fait.

Et, chaque jour qui passe, au fur et à mesure que le gamin s'affaiblit de plus en plus (car rappelons nous, il a de moins en moins de repas..), en tentant (sans jamais y arriver) de passer sous la barre des 10 secondes, l'objectif est revu à la hausse. Le prof de sport arrive au bord du terrain, et lui dit, chaque jour :

-"les objectifs ont été revus. Aujourd'hui, c'est en moins de 9 secondes."

Le lendemain :
-"aujourd'hui, tu es encore trop lent, c'est moins de 8 secondes 30"

Le surlendemain :
-"tu es trop lent! On ne comprend pas, pourtant, tu as tout ce qu'il faut? Allons, fais un effort! Aujourd'hui, les objectifs ont changé : c'est en moins de 8 secondes"..
etc.etc.

Et ce sacré professeur, au bout d'un moment, de "ne pas comprendre".
nouvelles tirelires "spécial crise"
-"Je ne comprends pas pourquoi vous n'y arrivez pas!! Vous devriez pouvoir battre ce record, allez, encore un effort!" fait-il chaque jour, au gamin à bout de souffle, de plus en plus mal en point. En effet, non seulement le gamin ne tient pas ses engagements (qui sont, je le rappelle, de "faire mieux avec moins") mais en plus, la situation empire. Désormais, il court le 100 mètres péniblement en plus de 12 secondes trente...

De retour à la maison, tous les soirs, il s'assied sur le canapé, épuisé. Il se prépare un bol de soupe -le seul mets qu'il peut encore se permettre. Enfin, je devrais dire, pour être exact, "il se préparait." Parce que même ça c'est fini : l’huissier est passé hier, mandaté par les honnêtes commerçants. Pensez donc, le salopiot avait 180 kilos de carambars et 852 paquets de fraises tagada à crédit. Avec les intérêts, ils ne lui est plus resté grand chose : toute la petite famille s'est retrouvée à la rue. Sous le pont du quartier. Plus de soupe, pus de fauteuil, plus rien en fait. 
Alors d'accord, bonne nouvelle, maintenant il ne sera plus obligé d'aller à l'école, ni au sport : il va pouvoir un peu souffler. Ça tombe bien, il a vraiment envie de faire un petit somme. Et ce petit coin de trottoir semble si accueillant...

La morale de cette histoire?

Il n'y a rien à comprendre...

En fait, si. Nous sommes tous ce petit gamin obèse pointé du doigt.

Finalement, il ne nous reste deux options, si l'on réfléchit :

-1/SOIT le gamin crève, car il subit jusqu'au bout, sans rien dire.

-2/SOIT le gamin se révolte et refuse de continuer comme ça. Parce qu'il en va de sa survie.

Tout simplement.

Gare aux chiens faméliques : ce sont les plus dangereux. Acculés, ils peuvent devenir incontrôlables.

4 commentaires:

  1. D'accord avec toi, Toff, faut réagir, sinon on crève.
    Beau billet, particulièrement limpide, qui explique bien la manière dont on nous bourre le mou tant que c'est possible. Le truc ça serait de dire merde un jour, mais VRAIMENT, complètement, définitivement, et prendre le contrôle de l'appareil dans lequel on fait de nous des victimes de ce qu'on a même pas choisi, seule solution pour un jour enfin, et à nouveau, respirer.
    Bravo.

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  2. moi aussi j'ai aimé ton billet ;)) oui, belle écriture. Nous sommes l'enfant obèse... là aussi je suis d'accord, nous avions (ou avons) l'habitude de nous goinfrer de sucreries, là est tout le problème : les sucreries. Certains nous parlent de rigueur, d'autres de décroissance... mais, finalement, n'est-ce pas la même chose ? N'est-il pas contradictoire de parler de refus de la société de consommation tout en rechignant à se serrer la ceinture ? Fillon est peut-être, sans le savoir, le premier anticapitaliste en poste au gouvernement. NPA et UMP même combat : l'arrêt de la consommation.

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  3. Salut Toff,
    Heu, Lucia, là tu vas fort quand même, on dirait du Candeloro quand il nous fait un grand écart avec les patins, rapprocher le NPA et l'UMP, tout de même.
    La décroissance résulterait plutôt d'une réflexion puis d'un choix (oui je sais, pas les pauvres qui ont envie de se serrer la ceinture.), la rigueur et l'austérité c'est ce qu'on te fait subir.
    Zut, il n' y a pas la possibilité de signer hors Google, Typepad, Wordpress ou livejournal, alors que j'ai un autre bac à sable venant de la planète hautetfort.
    L'empire Google va finir par nous réduire maintenant qu'il nous possède.
    Je te file le lien direct.
    http://blette.hautetfort.com/
    j'aurais trop aimé signer de mon nom réel : Mike Blette, ben tant pis, tu n'assisteras pas au phénomène.

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  4. Toff, je suis une courge. je viens de suivre ton lien, et ça me menait vers un de tes billets sur Noël, j'allais mettre un commentaire, et paf je me rends compte que c'est un billet du 6 décembre 2010, merdouille. Joyeux Noël (hé ça pourrait qu'on se file un p'tit coup de tel vers le 1er de l'an, cette année, hein ? Histoire de sceller une saine amitié...et depuis le temps...). (j'aimerais en faire de même avec quelques blogueurs Luciamel, etc...) A bientôt.

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