samedi 2 octobre 2010

Solitudes

Revenant de la Grande Ville des Hommes, j'ai vu de mes propres yeux la foule immense. Les buildings  perçaient le ciel, traversant les nuages qui recouvraient leurs toits d'un linceul monochrome.

La nuit allait-elle m'apporter la vie qui manquait le jour? J'ai erré jusqu'au couchant sur les artères illuminées de mille feux, pleines de vie et vides de sens.

J'ai vu des milliers d'êtres vaquer à leurs occupations pressées, costard-cravate-attaché-case, téléphone-mp3 à l'oreille; j'ai vu des mendiants tendre leur sébile, j'ai vu une fille pleurer sur le quai de la gare. J'ai vu un pigeon blessé agoniser sur le trottoir, les gens l'évitaient, le regard absent. J'ai senti la chaleur des bouches de métro sur ma peau, la froidure du vent d'automne dans mes cheveux, les odeurs capricieuses des cuisines d'innombrables restaurants ont chatouillé mes narines. Jamais je ne m'en suis lassé, jusqu'au moment où, grisé, je suis passé à autre chose.

J'ai aperçu une silhouette à travers les carreaux de cet immeuble, dans le XVIème, qui me regardait avec étonnement.

Je me suis perdu sur les quais de Seine, les péniches faisaient leur va-et-vient, remplies de touristes indifférents. Au dessus d'eux, des dizaines de vendeurs clandestins tentaient de refourguer leur camelote aux passants, l'oeil aux aguets, le sac en bandoulière, prêts à décamper à la moindre lueur de gyrophare.


J'ai vu la Grande Dame s'illuminer de paillettes blanches, j'ai dû photographier un couple heureux, puis un deuxième. Rituel obligé devant cette idôle de notre temps. Sa couleur n'était-elle pas celle du veau d'or?

Je suis rentré dormir d'un sommeil allégé du poids de mes pas, alourdi du léger voile de Solitude perché en permanence sur mes épaules. J'étais bien.


Je me suis levé le sourire aux lèvres. Encore plus léger malgré ces nuages qui crachent leur soupe sur la ville.
L'idôle elle-même était redevenue grise, je la voyais bien à travers les carreaux humides de ma petite chambre d'hôtel. Belle Dame, auriez-vous perdu vos couleurs?




J'ai visité le Grand Musée.
 J'ai vibré face à Titien, frémi avec Le Caravage. 



Exulté en face de la Victoire de Samothrace et pleuré devant Le Guerchin.


Des statues m'ont parlé, en silence je leur ai répondu : est-il possible que vous me touchiez, vous qui êtes hors d'atteinte?

Des bijoux royaux ont brillé pour moi, l'espace d'un instant. Des pierres finement sculptées, autrefois tâchées du sang de ceux qui les convoitèrent imprudemment, se sont offertes à ma vue : c'est le soleil qui désormais les éclabousse.

J'ai vu une épée qui a tranché moult chairs, un bouclier qui a paré quantité d'attaques, une armure de Roi ayant arbitré maintes batailles.

J'ai vu un jouet qui avait 1000 ans. Un parchemin vieux de 3000, dont la magie est éteinte à jamais.



J'ai vu une méduse plus vraie que nature, immortalisée par un marseillais célèbre.
En existe-t-il?

Une montre tricentenaire, aux rouages encore intacts...le savais-tu, vieil horloger, alors que tu la remontais, qu'elle te survivrait? T'en serais-tu seulement douté?
Passent les heures...





Je suis reparti.
 J'ai marché, remarché et marché encore dans cette grande cité pleine de gens, mais si vide.
J'ai attendu un train, assisté à une alerte à la bombe, et vu la peur dans les cœurs. Dans les yeux, la désillusion. Résignation, abandon, poursuite du temps qui se perd. Attitudes et mimiques sociales. Vendeur cordial, serveur pressé, sourires forcés.

Vite. Vite, vite. Courir, pour ne jamais s'arrêter.
La vie est si brève, et nous avons tellement de choses à faire.

J'ai vu tant de choses.
Et croisé encore plus de gens.
Laideur et Beauté, Grandeur et Décadence.
Gris et Couleurs.
Je suis finalement revenu.

Et ne me rappelle de personne.

4 commentaires:

  1. ben, t'aurais dû faire signe, on aurait pu se croiser ;)

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  2. c'est parce qu'il n'y a pas de vrais gens dans les guides touristiques...

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  3. T'as vu tout ce qu'il y avait à voir, toff.
    La distance qui sépare ce que nous souhaiterions vivre à ce que l'on souhaite nous faire vivre.
    Malheureusement, les êtres n'ont manifestement plus d'autres ressources que de courir derrière ce qu'on continue à leur faire subir.

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  4. @Lucia, ça aurait été avec plaisir, mais j'ai à peine eu le temps, sur 3 jours, de prendre mes billets de train et en plus j'avais une de ces crèves..non, en fait je suis très timide, et je n'aime pas me dévoiler la première fois ^^....

    @freeimaginaryboy, je n'avais pas de guide, si ce n'est mon esprit enfiévré, mon fidèle Canon numérique et mes non moins fidèles gambettes, je les ai suivies là où elles m'ont porté...

    @mike, salut vieux frère
    c'est vrai que les gens sont tous de "braves gars" dans le fond
    c'est vrai aussi qu'ils sont capables de grandes choses....seule l'époque actuelle les encourage à nier cette nature "intrinsèque", innée, à la masquer pour tenter de survivre. C'est toujours ce que je ressens, à chaque incursion dans une grande métropole, que ce soit Paris, Marseille, Barcelone ou Athènes (un jour j'irai à Tokio)
    Ce que tu gagnes en "culture", en magnificience, en possibilités de tourisme (pour faire court) tu le perds en Humanité... enfin ça n'est que mon humble avis à deux cents

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