lundi 8 novembre 2010

L'Eternel Retour

Il revenait de loin...

Les ans, les mois avaient passé, les jours tels des gouttes filant entre les doigts du temps, le temps de tourner la tête, un regard en arrière... Si loin, et pourtant si proches, ses autres moi qui s'éloignaient tels des fantômes dans la brume. Il ne se rendait même plus compte des heures, les nuits étaient si sombres, en vain il avait essayé, reprendre sa plume (son souffle?), à quoi bon? Pour exorciser cette chose qui le rongeait, peut être, un soupir dans le néant. Un soupir et puis...



Tellement de gens, dans les rues, les avenues sombres et délavées par la pluie de cette cité peuplée d'inconnus. Infestée par le néant, le mal-être, l'oubli du Soi, de l'Humain, dégénérescence.
Plus ils se disait : "à quoi bon?", et plus il s'enfonçait.

Marcher le long de ces rues anonymes, croiser ces interminables rubans de bitume remplis d'Autres, armée d'inconnus. Visages fermés, yeux mi-clos. Pas pressé, vêtements gris. Un pauvre hère qui tend la main, il tremble, pas de froid non, mais du mal de n'être plus rien, de ne plus exister... Pour VOUS TOUS qui passez votre chemin, imperturbables, ou alors qui jouez votre rôle, comme si de rien n'était! Et c'est vrai, il n'est rien. Ne vous arrêtez pas, surtout ne pas croiser ce regard fixé sur vous, ces deux yeux remplis d'une brillante détresse qui disent  : "REGARDE-MOI! J'EXISTE! NE LE VOIS-TU PAS??"
Non, ce n'est rien.

Oh oui, ils voient, mais préfèrent t'oublier...c'est normal, nous sommes au Vingt et Unième siècle !

Il continuait de marcher, fendant les foules d'anonymes, de plus en plus vite, vers un but que seul ses pieds connaîtraient, un jour peut-être...pas encore. Vite. Vite. Vite et loin.

Peur? si seulement, oui, il avait pu avoir peur! Mettre un nom sur ce qui n'en a pas, quand tout s'est enfui, en fin de compte : si Dieu est encore là, me présentera-t-il la facture? Non, je crois plutôt qu'il en a eu marre, à un moment, c'est forcé, il a dû se dire Lui aussi : "à quoi bon? C'est un échec...je m'en vais."

Et il est parti, dépité. Il s'est enfui, en vérité je vous le dis! Dieu est un lâche!

Comme je m'apprête à le faire, il a enfilé son manteau de regrets, son châle de remords, un caban de sombres ressentiments pour sortir là-bas, aller voir ailleurs... Si le poids sur ses épaules est moins pesant sous une autre grisaille? Pas si sûr. Plutôt pour éviter de croiser le regard de ceux qui le connurent, jadis, quand il était Sphinx, et non pas cafard.

Il aurait fallu qu'il perde la mémoire, pour espérer goûter le repos. Mais mère Nature, celle qui supporte les parasites qui la rongent et l'épuisent, lui avait donné cette "qualité" : la mémoire. Une méta-mémoire inamovible, intemporelle, la seule chose qui lui restait alors que tout, chez lui, fondait comme neige au soleil. Ses cheveux avaient ouvert le bal : commencer à chuter pour ne plus avoir à pousser. Avaient suivi ses articulations, qui chaque jour un peu plus se raidissaient sous les assauts  de l'eau. L'eau, qui lui avait donné la vie, qui était partout. L'Eau, élément de vie, élement de souffrance : elle saturait l'air, éteignait le feu, gorgeait la terre, constituait 70 pour cent de son corps, et il le savait, et il en riait! Car à quoi bon le savoir, si cela ne vous empêchait pas d'y remédier? Et d'en rire aux larmes? Cette eau qu'il aurait dépensée en pure perte n'aurait fait que creuser de nouvelles rigoles sur une peau tannée par les ans, creusée par le vent,assombrie par les excès, fatiguée et en perte de vitesse...

Trop de questions sans réponses l'avaient convaincu : le deuil de soi-même est une affaire sérieuse, autant le mener à son terme. Jusqu'à la lie de son inhumanité, il en rirait, encore et encore, au fur et à mesure qu'il tomberait en morceaux, il s'était juré de ne plus se plaindre, mais d'accueillir tout ceci avec joie. De tout ce qui viendrait, plus jamais il ne l'accueillerait en pleurant. Il porterait sa croix avec joie et silence, comme d'autres pantins l'avaient fait avant lui, en leur temps...Il ne referait pas l'erreur de s'afficher, geignant, pleurant sur un bonheur perdu, sur des souvenirs qui l'avaient fait vivre, un temps... Qui l'avaient maintenu, alors que le reste n'est que chaos, autour de lui ce maudit temps s'était figé, un bref instant il avait su.

 Le plus intolérable était là : avoir déjà vécu, savoir ce que cela fait d'être heureux, ne serait-ce qu'un instant.
Puis se retrouver de l'autre côté de la barrière. Prendre, recevoir, et perdre.

Heureux les miséreux qui n'ont connu que la souffrance! Pour eux, point de comparaison : jamais ils ne cesseront de sourire, car dans le pire des bidonvilles ils sont nés, ils ont vécu, et ne connaîtront jamais mieux. Tout cela ne vaut-il mieux pas que de passer de l'illumination aux ténèbres?

Inutile de partager ces délices de la plus exquise des souffrances avec d'autres. Non, ce matériau brut, ce diamant qui constituait le peu qui lui restait il le garderait pour le bout de sa route. Quand ses pieds, en dernier ressort, ne le porteraient plus, alors il s'assiérait, lui aussi, sur le bord du chemin.

Il regarderait en arrière, enfin.

Et il s'autoriserait à fermer les yeux.

Tes souvenirs sont pires que les rêves, car jamais ils ne s'évaporent, souviens-t'en...tu dois faire avec.
Jusqu'à la Fin.




3 commentaires:

  1. tiens, ça me rappelle le spectacle de Bartabas... assez désespéré. Ici, c'est Dieu qui joue à cache-cache, chez lui, c'est lui et ses chevaux.

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  2. Et merde, mon message n'a pas atterri sur la piste d'atterrisage de tes commentaires.
    J'ai pas trop compris, t'es sûr que ça va bien, là ?

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  3. et dire que personne n'a vu l'hommage appuyé au Goncourt 2010.... LOL

    non, en fait ça va bien, mais j'avais envie d'écrire ça, rien à voir avec houellebecq ou le happy birthday de mongénéral, ou que sais-je d'autre.

    Mais comme disait grand-mère, quand ça veut sortir..faut aller aux gogues

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