mercredi 5 janvier 2011

Guérir

-Brume

Je me suis réveillé ce matin : le plafond était toujours là.

Il manquait seulement une présence à mes côtés : avant de me rappeler que tu étais partie.
A nouveau, cette fugace impression que j’étais le maître du monde.

J’ai tendu la main, l’ai laissée suspendue là, un instant, au dessus de ce vide que je croyais plein, et j’ai souri.

J’ai imaginé ton sourire me murmurant des mots tendres, ton visage me chuchotant de l’amour sans un seul instant ouvrir tes lèvres. Ou alors, seulement pour m’embrasser, encore une fois, un dernier instant ou toute la magie de notre pitoyable condition de mortels ne pouvait que s’évanouir… et laisser place à ce phénix flamboyant, hurlant qu’il est bien là, que rien ne pourra jamais l’arrêter et que cet élan vital ne sera plus jamais estompé.

Je me suis réjoui à l’idée de te prendre à nouveau dans mes bras, qui ne trembleraient pas parce qu’ils auraient enfin quelque chose à ne pas faillir, quelque chose de léger mais de si massif à tenir, un être à épauler, une envie à porter, une femme à caresser.

J’ai aimé ce lever de soleil car je savais que tu serais à mes côtés, que ta chaleur viendrait m’accompagner sur le rebord de cette fenêtre, si froid d’habitude, où nous avions coutume de nous allonger en attendant l’aurore.
J’ai adoré sentir tes cheveux sous ma main, ta main sous mes doigts, ton cœur sous mes pas, ton regard dans mes yeux, ton souffle sur mon épaule, et ton sourire sur mon âme.

Ce baume m’a guéri de ces milliers de coupures, de ces centaines de douleurs, de ces dizaines de cauchemars que la vie m’avait offerts ; en un instant, éternellement renouvelé, j’ai su que je ne mourrai jamais, que la vie pouvait durer éternellement, que ce présent ne s’effacerait pas car il était dans nos corps comme dans nos cœurs. Il nous constituait, il était ce que nous étions : jeunes, beaux, vivants.


-Eternité

Ma main est retombée sur l’oreiller, et en une fraction de cette éternité j’ai réalisé que l’impermanence régnait dans ce monde. Que rien n’était éternel par ici : riches, puissants, costards-cravate, mendiants, jeunes, vieux, parents, enfants, planètes, étoiles, poussière… tout n’est que perpétuel mouvement, tout bouge et rien jamais ne se fige. Seuls demeurent les souvenirs, embellis forcément embellis mais ne nous aident-ils pas à traverser le désert ? A tenir, pour pouvoir toucher au mieux le fond le plus rapidement possible. Donner le coup de talons qui nous permettra de remonter reprendre une nouvelle fois cette grande inspiration.

Parce que nous n’avons pas forcément le choix.


-Résilience

Je me suis relevé, lentement, comme d’habitude ces derniers mois. J’ai étiré ce corps tant haï qui persiste malgré tout à continuer vouloir m’offrir ses bons services : 10 pompes, 50 abdos, quelques passes magiques de ce bon vieux Carlos Castaneda histoire de sentir circuler l’énergie. Quelques os qui craquent, d’autres petits signes qui continuent à me rappeler que je n’ai plus vingt ans…

J’ai souri. Qu’importe si je sais que tout ça n’ira pas forcément en s’améliorant, j’ai encore de la chance : pas de maladie grave à signaler –si ce n’est celle de l’âme.

Et je veux guérir : question de volonté ?

Non : parce que je n’ai pas vraiment le choix. Je sais que je n’ai pas encore fini ce que j’avais à faire dans cette vie, j’ai encore la force de regarder le soleil se coucher et d’être ému. Encore la force de redresser la tête et de te dire : c’était super, mais il faut passer à autre chose. Merci pour tout, je te souhaite le meilleur (après tout nous sommes en janvier) et m’en vais voir ailleurs. Et je ne peux plus te voir, te regarder autrement que comme je t’ai aimée, donc c’est forcément trop pour moi.

J’ai alors réussi à te dire non, pour la première fois depuis toutes ces années. Ce « non » m’a libéré, en même temps qu’il m’a rendu infiniment triste : j’ai alors su que cette fois-ci il n’y aurait plus de faux-semblants. C’était pour de vrai, nous nous étions perdus. C’est à ce moment-là que j’ai réussi à trancher ce bras qui me faisait tellement souffrir.

Je saignais, je pleurais, je divaguais, j’étais effondré, et je me regardais faire mais je savais OUI JE SAVAIS que c’était tout ce qui comptait : que quelque chose m’avait échappé, à nouveau, et qu’il me fallait absolument arrêter de fuir, pour une fois regarder cette saloperie en face, et lui montrer les poings. Lui montrer de quel bois je me chauffe.

Au fond de moi, je l’ai toujours su, il fallait que ça arrive pour que je puisse à nouveau renaître de moi-même : recommencer à gravir cette interminable pente, tendue d’embûches, recouverte d’obstacles, moussue, ardue, dangereuse, piégeuse…encore.

Mais aussi exaltante, nouvelle, lumineuse, qui te pousse au-delà de tes limites et encore plus loin.

Un chemin que tu es obligé d’emprunter, de ré-emprunter, encore et encore, car, décidément, tu n’as pas vraiment le choix.

Ce chemin, il fait partie de toi, et tu l’as toujours su.


-Le Guerrier pacifique.

J’ai eu beau le fuir, essayer de l’oublier, je savais tôt ou tard qu’il me faudrait y revenir : ce chemin est mien. Définitivement.

Je me suis toujours considéré comme extérieur à moi-même, ayant l’impression –non le désir- d’être aussi normal que possible. Mais les choses ne faisaient que me crier au visage qu’il était temps d’ouvrir les yeux : la mystique a toujours occupé le centre de ma vie. Cette normalité que j’idéalisais n’était qu’une grotesque parodie de ce que j’aurais dû accepter : il y a des choses contre lesquelles on ne peut rien. Une naissance non désirée, des parents qui se sont déchirés, l’abus qui s’abat sur vous, l’absence et la mort d’une mère partie trop tôt, la faillite des « grandes personnes » qui ont essayé de gérer, mais ont raté… tout ceci fait que la connexion avec ce qui m’entoure, l’intuition que les choses arrivent, et que je suis ce que je suis en ce moment, tout ceci doit être digéré.

Avoir voulu faire porter ce poids à quelqu’un d’autre que moi est profondément injuste : a fortiori quand il s’agit de quelqu’un qui compte sur vous pour un chemin de vie à partager. Qui vous fait l’honneur de vous donner ses plus belles années. Qui vous fait le cadeau de son Amour : le plus beau cadeau qui soit de la part de quelqu’un.

Alors merci à toi pour toutes ces années, pour ce que tu m’as donné. Et merci d’être partie : nous n’étions pas faits l’un pour l’autre, je le vois clairement maintenant. Mon tort a été de t’idéaliser : tu disais ne pas comprendre la mystique et moi, bien que dérangé par cette affirmation maintes fois répétée, je l’ai reléguée dans un coin de mon esprit. J’ai occulté ces mille autres petits détails qui font qu’au fond de moi, tout au fond de moi, ça me dérangeait, mais je savais et je faisais avec.


-Aimer

L’amour fusionnel est une connerie : l’amour monté en épingle par cette société consumériste ne vaut pas mieux. N’existe que l’Amour que nous devons porter à nous-mêmes, le seul qui puisse nous ouvrir aux autres et nous permettre de réaliser ce que nous sommes vraiment. Car nous sommes Un, et Un est le tout. S'aimer vraiment : le vrai défi est là, il permet d'avancer et de donner en retour, sans pensées possessives, sans peur, avec courage.

La solitude fait peur, nous terrorise même car nous avons du mal à réaliser cela. Et pourtant : nous n’avons vraiment pas le choix. Comment construire sur des fondations branlantes ?

J’ai en moi ce moteur qui parfois crachote, parfois toussote, et souvent cale : il suffit d’y rajouter le carburant adéquat : le courage. Qui a dit que c’était hors de prix  en ce moment?


-Repartir

Et mon désert s’est transformé en prairie, j’ai osé lever la tête et parcourir ces étendues glacées ou je croyais être relégué, seul et sans attaches. Je me suis alors aperçu que la Vie était bien là, présente, partout, foisonnante, multiple, unique et merveilleuse.

Que la soupe dans laquelle je crachais était délicieuse, que j’avais encore des raisons d’espérer. Que mes jambes étaient solides, mon cœur encore vaillant et mon esprit alerte.

Que, loin d’être fini, tout ça commençait. Vraiment.

J’ai repris mon bâton, levé les yeux vers le soleil, et remercié le Tout d’être ici.


Là et maintenant.


Et me suis remis en marche –j’avais vraiment pas le choix.



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A Juliette…

Et Rémy…………………………

7 commentaires:

  1. Ne pas parler (exceptionnellement) du monde qui t'entoure, mais bien de toi, uniquement de toi, te réussit plutôt, Toff....

    Bon, en fait, tout cela se passe de commentaire.

    Mais je voulais juste te dire que je t'avais lu, que j'avais trouvé ça éblouissant (et si je te dis que ça m'a tout particulièrement parlé, j'imagine que tu n'es pas plus surpris que ça...)

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  2. Toff, il est très beau ton texte.
    Comme le dit si bien Sam, j'aurais pu m'abstenir de tout commentaire, j'ai juste souhaité te faire un salut amical sur le chemin que tu as emprunté.

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  3. merci sam, non en effet...

    premièrement j'ai adoré ton blog la première fois où j'ai posé les yeux dessus, car tu avais le courage de décrire ce que TU vivais (et avec talent j'insiste là-dessus; non c'est pas de la pommade c'est comme ça : je sais reconnaître un vrai cowboy quand j'en lis un!)

    ensuite j'ai en quelque sorte fait le chemin inverse : j'ai créé ce blog le jour ou elle est partie (il y a 6 mois environ, d'ailleurs je me suis remis à faire un tas de trucs le jour où..;tiens tiens comme c'est bizarre?), et j'ai réussi à parler de tout(et je le concède je me débrouille plutôt pas mal pour noyer le poisson) sauf de elle/nous..et que ça me rongeait. Et je me suis dit : pourquoi pas? ça fait quelques billets maintenant que j'explore ces facettes du truc et je dirais : c'est vraiment une putain de libération.
    Y a pas d'autre mot!

    Ce billet/mot/texte (rayer la mention inutile) est sorti tout seul, ça faisait quelques temps que j'avais envie de l'écrire, mais je t'avoue que depuis que j'ai franchi ce pas (il y a environ 2/3 heures) ça va vraiment vraiment mieux. C'est pas forcément rose tous les jours, mais c'est pas forcément noir non plus : c'est la vie qui reprend ses droits, tout simplement.

    et jte garantis que ça n'a que trop duré tout ce merdier : 2011 ça va chauffer!

    salut mon gars (et encore : MERCI)

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  4. @ mike : je sais plus quoi te dire, alors je te dirais aussi tout simplement : quand c'est qu'on boit un café ensemble?

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  5. ehhh jte promets : jsuis pas homo hein!!!!

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  6. un homme qui parle de ses sentiments ;))) et de sa vie : wouah ! c'est magique. La rupture : c'est vrai, a posteriori on peut se dire que ce n'est pas bien grave, même si pendant longtemps ça peut nous sembler la chose la plus terrible au monde. Tu sembles le vivre plutôt bien, moi, j'ai mis entre 2 et 5 ans à m'en remettre à chaque fois.

    J'écrivais ce matin à un ami (et amour de jeunesse) : "avec le temps, on aime différemment".

    Ah, tu aimes Castaneda ! intéressant, j'ai tout lu, depuis L'herbe du diable et la petite fumée, jusqu'au Voyage définitif. Vraiment, je n'avais pas compris que tu étais mordu de spiritualité ;))

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  7. je pense qu'on ne s'en remet jamais vraiment : on avance juste, un pas de plus à chaque fois... pour celle-là, j'ai appris un truc supplémentaire : rien n'est jamais acquis! A force ça finira bien par rentrer... mais entre 2 et 5 ans non je ne peux pas (ou ne veux pas) : 1/ pas assez d'énergie pour souffrir aussi longtemps: 2/ pas assez de temps (le compteur tourne!..)
    mais je t'avouerai que c'est un combat de chaque minute, depuis plus de 6 mois, et que je suis en train de le gagner...

    "avec le temps" c'est exactement ça, le Grand Léo avait décidément raison..,vieux briscard va!

    Pour Castaneda je dirais que c'est un des chemins de vie qui résonnent très fort en moi. Plus que mordu, je suis habité par la spiritualité -même si ça ne se voit pas forcément comme ça, manquerait plus que je ne me dévoile d'un coup! Une chose à la fois...

    eh tu sais lucia : tous les hommes ont des sentiments, et la vie qui va avec ;)
    après, en parler, c'est vrai que c'est pas forcément masculin masculin; on va dire que l'aspect "internet anonyme" aide un peu ;)

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merci de poster ici vos irrévérencieux commentaires. Tout ce qui est révérencieux ne sera pas accepté, ainsi que tout ce qui est contraire aux valeurs de ce blog en général (allez, on va dire : "Valeurs Humanistes"). Après, pour le reste, j'adoooore polémiquer... (NB : les commentaires anonymes ne sont pas acceptés, prenez au moins un pseudo quoi!)