dimanche 20 mars 2011

Les 7 Plaies de l'Occident - Verset 3

Individualisme -
 ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

La poussière est partout... Luttant contre cet ennemi quasi invisible, Dieu n'en mène pas large : le balai dans ses larges paluches, il sue des gouttes comme le poing et éternue continuellement, au milieu d'un nuage de poussières en constante expansion. 

Ça fait maintenant six jours qu'il bosse comme un dingue pour tenter de maintenir un semblant d'ordre sur cette foutue planète : le bordel est partout! 

Entropie, quand tu nous tiens : on dirait que c'est le souk par ici! 

Partout, des continents à la dérive, des plaques qui se chevauchent, et cette Vie dont il a semé juste quelques graines par erreur, un soir d'alcoolisation, il ne se souvient plus vraiment, il avait posé les semences par là, tourné le dos quelques instants et pof! Des forêts, des oiseaux, des reptiles, des amphibiens, et, au cinquième jour, ces espèces de primates velus et chevelus, sautillants et grimaçants, qui ont commencé à le faire marrer avec leurs mimiques ridicules...il en avait même posé sa bouteille et pausé sa beuverie, la gueule en travers, muet d'étonnement devant tant de...comment dire? Bordélisme, ouais c'était le terme qui lui était venu spontanément à l'esprit.

CACA-Mééé-HA-Mééé-HAAAAA!!!
Il les avait ainsi observé un petit moment -genre six ou sept mille ans en équivalent humain quoi- , se poilant devant leurs querelles de territoire, leurs crêpages de chignon incessants pour telle ou telle broutille, et aussi ahhh ouais aussi ce qui le faisait le plus marrer mais alors à se tordre de rire à chaque fois : quand ils allaient faire caca, tous en groupe la tribu au complet, l'expression sur leur visage... Fallait vraiment voir ça au moins une fois par millénaire, anti-déprime garanti!

Jusqu'au jour où il avait constaté un truc : il avait encore pris du retard dans le ménage, c'était la cata, la galaxie NGC25486 faisait encore des siennes avec cette foutue supernova, tout ce coin menaçait de partir en vrille, une vraie casserole sur le feu c'en était fatigant, il en avait plus que ras la casquette! Alors il s'était refait une petite "séance" : hop! un coup d'œil sur ses Humanoïdes...histoire de se remonter le moral quoi.

Et là stupéfaction : ils ne se baladent plus du tout en groupe, question défécation en tribu c'est plus du tout ça, même que maintenant ils ont des notions du genre "sale", "honteux", "personnel", "wc privés" et que sais-je, là Le Grand Démiurge tombe littéralement des nues -je vous dis pas la supernova NGC 25486, les résidents du coin en ont pris plein la tronche- mais qu'est-ce que c'est que ces conneries, non mais je vous l'demande ma bonne dame, on tourne le dos quelques siècles et c'est le merdier, vraiment insortables, ingérables et inqualifiables, mais qu'est-ce que j'ai encore fait pour mériter ça, j'en ai ma claque, ma claque, MA CLA-QUE!

à haute dose, la poussière peut être nocive pour la santé
Sur ces entrefaites, il fait tomber son balai -qui doit bien peser quelques trillions de tonnes et est chargé de poussières hautement radioactives- sur le carrelage de la Céleste Cuisine -je vous dis pas les résidents de l'île du coin, comme ils en ont pris plein le citron- (je sais elle est nulle) (mais j'aime ça) (et pis si on en rit pas un peu on va où hein? OU??) (ok ok ça va je me calme et je continue) (de toutes façons ici c'est chez moi alors je fais ce que je veux nananèèreuhh) - donc je disais le Grand Architecte en a lâché son balai d'étonnement et hélas y a eu des morts, instantanément il regrette son geste mais bien sûr c'est comme avec le flic qui est en train de vous coller une prune, c'est toujours trop tard, monsieur-le-pévé-j'ai-commencé-à-le-remplir-vraiment-désolé-vous comprenez, va falloir laisser faire et essayer de gérer la situation, cette phrase est beaucoup trop longue, vite il faut que je lui mette un point. Point.

désignation de l'employé du mois en Chine
Donc il essaie d'évaluer les dégâts, observe les habitants et le reste du monde paniqué, "mais qu'esssssse que j'ai encore fait là! et zuuut!!" et là stupeur, il s'aperçoit d'un truc qui lui avait échappé depuis tout ce temps, ses petits Zumains sont maintenant persuadés d'avoir évolué, un super beau vernis recouvre leurs faits et gestes, ils lui ont même donné un nom, ça s'appelle Ci-vi-li-sa-tion, en gros ça permet de faire croire qu'on se comporte correctement avec ses semblables, de se montrer "en société" sans avoir l'air d'être un gros sauvage issu des cavernes ou descendu récemment de l'arbre, mais bien sûr tout ceci est une façade, il n'en est absolument rien dans la réalité, c'est toujours la même chose... Au contraire, chacun roule de plus en plus pour sa pomme, secrètement on convoite toujours de la même façon ce que l'autre possède et que l'on a pas, c'est une roue sans fin, un engrenage dans lequel tout le monde plonge le bras tête baissée, et pis moi aussi pourquoi est-ce que j'aurais pas le droit de me payer un Iphone merde? Même si il est fabriqué par un petit bridé qui crève la dalle dans un camp de travail, payé trois yens six roubles la semaine de 70 heures, qu'est-ce que je m'en tape, au fond? Tu crois pas que MOI aussi, je me lève pas le derche comme un bourrin, depuis toutes ces ces années? Que j'y ai pas droit, au bonheur consumériste? HEIN?

Une Divine Larme roule alors sur l'interminable joue du Démiurge : c'était donc ça... Ils étaient devenus individualistes! Il sût alors, à ce moment précis et sans aucun doute possible, qu'il lui faudrait tirer un trait définitif sur ces scènes d'excrétion en groupe qui l'avaient tellement diverti, lui offrant des pauses bienvenues au milieu de son dur labeur...la vie est une vallée de larmes.

-------------------------------------------------------------------------------------------------------

 "Mahamati, toutes les formes, couleurs et images, sont appelées représentations (nimitta).
A partir de ces représentations se forment les concepts, sur le modèle "c'est ceci", "ce n'est pas cela", etc. C'est ce qui s'appelle Nom (nama). Les "consciences-connaissances" et leurs fonctions, qui donnent naissance à ces concepts, sont appelées Discrimination (vikalpa). Ces représentations et concepts ne sont pas des choses vraies qu'on peut obtenir; ils ne sont que le produit de la discrimination. La nature vraie des choses, libérée de cette discrimination, est appelée Ainséité (tathata).
 Mahamati, voici les caractéristiques de l'Ainséité : réalité, exactitude, fin ultime, nature propre, fondement et non-obtention. 
 Les Bouddhas et moi-même avons réalisé et exposé l'Ainséité.
Tous ceux qui sont capables de se servir habilement de cet exposé, afin de pénétrer dans l'Ainséité, peuvent transcender les concepts de continuité et de discontinuité, de débarrasser de la discrimination-imagination et accéder à l'expérience spirituelle de la réalisation de soi-même, une expérience inconnue aux philosophes, Sravakas et Pratyekabuddhas. Ceci est appelé Vraie Sagesse (samyagjnana).

Mahamati, vous devez vous servir de votre habileté pour réaliser ces dharmas

Une fois que vous les aurez réalisés, votre esprit sera confirmé; plus rien ne pourra vous ébranler.
  

Lankavatara-sutra
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Cela faisait maintenant cinq ans que Pandit était revenu dans sa grotte.

Cinq années de méditation, hors du temps et des tourments de la civilisation humaine.

Les novices du temple voisin, situé à quelques kilomètres, passaient une fois par quinzaine voir s'il n'avait besoin de rien. Sans un bruit, ils nettoyaient les alentours de sa retraite, vérifiaient qu'il disposait de suffisamment d'eau et de nourriture -le strict nécessaire pour maintenir son corps en fonctionnement- et repartaient sans un mot.

bouddha=feignasse
Il avait atteint l'état de Sâmadhi au bout de trois années : il avait déchiré le voile de vikalpa, et réalisé que toutes choses ne faisaient qu'Un. Mais qu'il n'y avait rien à réaliser non plus, car c'était ainsi. Point de concepts, de jugements, de discrimination entre sujet et objet. La paillasse qui constituait l'essentiel des meubles de sa grotte était, au même titre que le reste, et n'était pas. L'Homme lui avait donné le nom de paillasse, mais qui savait vraiment ce que c'était, si ce n'est un assemblage d'atomes, de travail de tissage, une réunion d'éléments improbables mais certains réalisés au sein de ce qu'on dénommait "paillasse", et à laquelle on donnait plus ou moins (plutôt moins que plus d'ailleurs) le nom, l'appréciation, la valeur, la fonction de paillasse, de grabat?

Cela n'avait en aucun cas changé sa façon de vivre : il mangeait, dormait, buvait, excrétait toujours comme tout le monde. Il lavait son bol dans la rivière, se mouchait, marchait... Mais il le faisait juste vraiment. Il était là, ici et maintenant, en pleine et totale conscience de lui-même et de tout ce qui l'entourait, l'esprit absolument centré... Il avait atteint l'état de pleine conscience qui lui faisait vivre intensément ne serait-ce que le simple écoulement de l'eau sur ses mains, lors de la corvée quotidienne de la vaisselle. Les insectes sur son passage, les animaux dans les fourrés, le soleil sur le seuil de la grotte, tout absolument tout était en lui et hors de lui, plus rien n'avait de nom ni d'identité propres car chaque chose faisait partie du tout, chaque être était au-delà des mots...magnificient, unique, différent, semblable, impersonnifié.

D'ailleurs, les mots n'avaient plus aucune importance pour lui, il pensait très peu voire pas du tout en fait, vu qu'il vivait plutôt le truc, je sais pas si vous arrivez à vous l'imaginer, mais je crois pas réussir à vous le faire ressentir, je vois pas pourquoi je m'évertue à m'échiner à essayer de vous décrire ce qui ne peut l'être...faudra repasser, ça commence à me saouler -je suis pas zen et loin de l'être, j'avoue tout, j'ai encore du boulot.

[soupir désabusé]

Je disais donc qu'il avait abandonné la réflexion sur la société humaine car il savait que ça ne changerait pas le cours de choses, en ce qui le concernait. Ce qui ne voulait pas dire qu'il ne fallait rien faire et accepter l'inéluctable : à savoir que ses frères Humains se dirigeaient, à marche forcée, vers une fin de civilisation, disons...plutôt brutale et prématurée.

Outre le fait que chacun pensait à soi et uniquement à soi -où à sa famille, à ses enfants, à son clan, à sa communauté..ce qui revenait au même-, la pollution avait atteint un niveau alarmant. Les forêts disparaissaient, empoisonnées; les animaux, les végétaux, les minéraux : tout se vendait, n'avait plus d'autre valeur que celle de monnaie. Le Soi comme prétexte était glorifié : mais il s'agissait d'un faux-semblant, c'était le Soi égoïste et égotiste qui parlait, pas la recherche du Soi pour se remettre en connexion avec le Vivant et sa Source, mais bien le soi du nombril... Ce soi qui faisait oublier aux Hommes leur véritable nature, celle d'êtres capables de bonté, d'altruisme, de compassion.
bientôt dans vos rayons
Pour glorifier ce néant qui s'élevait de plus en plus haut, que l'on appelait consommation, croissance, facebook, ou téléphone portable, l'homme avait jeté aux orties ce qui aurait pu le sauver, lui, ses semblables et la planète toute entière : sa Conscience.
Cette conscience qui était désormais systématiquement mise au rencard, bafouée, travestie en une parodie d'indignation, étouffée sous les émotions et les bons sentiments, mais qui laissait faire. Laissait faire les pires turpitudes au nom de principes qui étaient l'exact contraire de la nature Humaine : consommation, exploitation irraisonnée et destruction de la Nature, exactions diverses et variées, totalitarismes, engrenages de violences, de peurs, oubli de soi et des autres au profit d'une fuite en avant de plus en plus rapide. Droit devant, à toute vitesse, vers le mur.

Le monde tournait mal? Cinq années plus tôt, il en était déjà convaincu.
Cinq années plus tard, il savait qu'il aurait un rôle à jouer dans le changement qui était devenu indispensable. Vital. Et il était convaincu que cinq années supplémentaires dans sa grotte étaient un luxe qu'il ne pourrait plus se permettre : au loin, il sentait la tension annonciatrice de grands conflits à venir. Moins de cinq ans, il en était sûr, avant que le prochain Grand Conflit n'éclate et cette fois-ci, trop d'armes, trop de haines, trop de capacité de destruction accumulées, trop de convoitises. Le risque n'en était plus un, mais une certitude, juste une question de temps...

Il était temps de redescendre dans la vallée, puis dans le monde, de reprendre pied dans le réel pour agir et sauver ce qui pouvait encore l'être. Il chaussa ses sandales, rajusta sa sangha, et partit d'un bon pied vers le sud, le sourire aux lèvres et l'œil pétillant.

En bas, la ville, cinq années de développement plus tard, grouillante de vie, de bruit et d'odeurs, telle une bouche avide au milieu de la nature.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Je dédie ce pavé à maître Thich Nhat Hanh et à ses élèves, puissiez vous œuvrer dans la même direction et un jour nous apporter le Réveil à tous...

3 commentaires:

  1. quel voyage !!! bon, entre Dieu et la création... le haut et le bas, le point et l'univers, soi et l'autre (et vice versa), le chemin est long, et à la fois très court. Comment tu te sens dans ton nouveau chez toi ? ;)))

    RépondreSupprimer
  2. Oui, le monde est assez moche. Difficile d'"être heureux" dans le grand merdier individualiste global, et pourtant, c'est ce que nous devons tenter d'être malgré tout.

    RépondreSupprimer
  3. @ Lucia
    pour ce qui est du sens du soi et du non soi, effectivement j'espère avoir été clair (des fois je m'embrouille...qu'est ce que je voulais dire, déjà? me souviens plus!)
    en tout cas j'espère que le voyage t'a plu...
    pour ce qui est de mon nouveau chez moi, je suis un petit veinard je l'avoue : j'ai la chance d'avoir un appart tout neuf, avec un loyer relativement modique (vu le coin et les prix pratiqués habituellement) et, si tu veux tout savoir, je commence à me sentir chez moi...reste quelques cartons mais le quartier est sympa, j'ai décidé de débrancher définitivement ma télé (je trouvais plus la prise, et dtoutes façons je la regardais plus donc..)
    idem pour la radio, et c'est un bonheur!!

    @ mike le monde est moche, en fait oui et non..LEUR monde j'ai envie de dire, car ce monde est ce que nous en faisons, comme nous le voyons à travers nos prismes déformants (déformés par eux..qui ça eux? ben...tout ça quoi, cette belle société de con-sommation à laquelle nous participons tous..)

    J'ai envie de le voir beau ce monde, et c'est vrai que le genre de truc qui se passe au
    Japon m'y incite en ce moment : tu as d'un côté des gens qui ont tout perdu, et qui gardent le sourire parce qu'ils sont "vivants et c'est ce qui importe"(dixit cette petite mémé dans les décombres de sa baraque ravagée), et de l'autre côté ce que tu dis, tenter et le faire, chez nous, voir la beauté dans chaque chose..ne pas se sentir comme un enfant gâté, frustré, par des choses qu'on lui fait miroiter en permanence...cette quête effrénée du bonheur par la possession nous fait nous perdre nous mêmes, ça j'en suis convaincu..et je commence à changer tout ça, de mon côté, à mon rythme (pas d'iphone chez moi! mais un bouquin tout neuf que j'ai reçu aujourd'hui...merci mon gars! je t'ai écrit un mail pour fêter ça...)

    RépondreSupprimer

merci de poster ici vos irrévérencieux commentaires. Tout ce qui est révérencieux ne sera pas accepté, ainsi que tout ce qui est contraire aux valeurs de ce blog en général (allez, on va dire : "Valeurs Humanistes"). Après, pour le reste, j'adoooore polémiquer... (NB : les commentaires anonymes ne sont pas acceptés, prenez au moins un pseudo quoi!)