lundi 18 avril 2011

Jouer

Ferme les yeux : tu sens le bois sous tes doigts.

Dans tes oreilles, le grondement du Son; les grésillements des cymbales frappées abruptement par le bûcheron de service. La stridence des guitares, l'électricité qui chuinte dans les micros; la voix du chanteur qui s'égosille.
Le vrombissement des basses  fréquences de ta fidèle quatre cordes que tu maltraites toujours avec entrain, cette pulsation qu'il ne te faut surtout pas lâcher, cette étincelle que tu guettes dans le regard de tes partenaires, ce moment magique, unique, qui va gommer toutes les difficultés. Toutes les galères, les mauvais plans, l'argent dépensé, le temps donné, les efforts consentis, jour après jour, semaines après semaines, en un instant évaporés.

Les vibrations sont vivantes :elles remontent de tes pieds jusqu'à ta tête; elles tournent dans l'air environnant, se mélangent, se rejettent, créent et détruisent des motifs. Tu ne sais plus trop ce que tu fais, à part écouter, ressentir. Être présent.

Miracle du son. Dans ta tête, c'est le chaos : vibrations, formes, ondes, couleurs, tout se confond. La note se forme dans ton esprit, et déjà tes doigts, sur le manche, sont passés à la suivante. Aux suivantes. A la multitude : les nommes-tu, les entends-tu, les visualises-tu, ou fais-tu tout à la fois, en fait? Tu ne peux répondre à cette question, mais ce que tu sais, c'est qu'à chaque fois que "tu te branches", tu pars ailleurs. Tu es toujours là, bien sûr, mais dans cette dimension perpendiculaire où toi, et tes amis, vous retranchez le temps de la "Répète". Le temps où vous êtes les maîtres du jeu : entre vous, pas de faux-semblants, chacun sa partie, avec cette acuité qui fait que, telle une pieuvre de quelque espèce inconnue mais bien vivante, chaque membre sait ce qu'il a à faire, où il doit aller, et avec qui se coordonner.

J'ai un ami, avec qui je vivais des moments de musique pure, exceptionnels, qui me disait qu'il "voyait" les notes dans sa tête. Dans l'espace, devant lui, il arrivait à les visualiser, comme une onde, une couleur parfois.
Pour ma part, ce serait plus comme un sentiment, une pensée, une image quelquefois...

*gasp*je comprends le split du groupe
Retour au local , à la répète : le temps s'est arrêté à l'entrée du studio. A la porte, les emmerdes, les embrouilles, les galères, les soucis restent plantés là. Naturellement, la dernière prune du gars en bleu bien planqué derrière son radar, la dernière petite amie qui t'a dit qu'elle "se tirait", le dernier abruti qui t'a fait une queue de poisson sur l'autoroute, la dernière brimade du cheffaillon de service au bureau, la dernière centrale atomique en train de péter et d'empoisonner la planète, la dernière photo de sarko sur le kiosque à journaux... tout, tout, tout absolument tout n'a plus qu'à poireauter quelques heures à la porte d'entrée -et, éventuellement aller se faire foutre- le temps que se résolve le Grand Mystère qui fait que des gars bien sous tous rapports s'adonnent à ce rite secret, fermé, orgiaque, à la "Brokeback Mountain"-j'en connais qui vont se marrer en lisant ça!- régulièrement, hebdomadairement, avec une frénésie que ne renieraient pas les groupies tête-à-claques-appareil-dentaire-proéminent-et-acné-en-bonus de Tokio Hotel pardon, je voulais dire de Justin Bieber.

Ici, l'égo existe, certes, c'est le propre de chacun, mais il est mis au service de quelque chose de plus étendu : égo collectif? Égrégore? Projet de vie? Rêve collectif? Tout ça, et un peu plus à la fois.

finalement ça m'emballe pas plus que ça..
Pour certains, la musique est une vocation : pour d'autres, un passe-temps, un faire-valoir, un moyen d'obtenir de la reconnaissance...ou d'emballer facilement avec le sexe opposé... La vérité? La musique, le son (et ceux qui le font) est comme l'air, comme l'eau, comme la vie sur ce putain de caillou aride perdu au milieu des étoiles : incertain, multiple, pollué parfois, présent sous une infinité de formes mais en même temps intrinsèquement -là, si j'ai envie de briller en société je sors mon "ontologiquement" de son tiroir- vital.

Car sans ces assemblages de simples vibrations qui apaisent notre âme tourmentée, réconfortent dans les moments de solitude, mettent en transe dans les moments de joie, de partage, de communion, que serions-nous? Des coquilles vides, mues par instinct, tels ces zombies grotesques dans le dernier blockbuster de Wes Craven, ne sachant où aller, mécaniques, incertains, toujours affamés, les yeux voilés par la mort et le vide...

Plus important encore -si c'est possible- : le chemin nécessaire. L'apprentissage sans fin et continu de l'instrument, les peines et les joies, mais aussi les échanges, les rencontres, le passeport universel qui abolit toutes les frontières de langage, tous les a priori, toutes ces petites lâchetés qui automatiquement se placent entre chaque être humain, en situation de rencontre, devant cet inconnu qui peut à tout moment, croiser ta route.

Pour le meilleur...

3 commentaires:

  1. moi (pardon pour l'ego qui veut forcément se mettre en avant) c'était samedi ma répète : deux heures à l'unisson (avec des couacs), nos instruments sont dans nos voix, nos corps, avec le souffle faisant vibrer tout ça ;))) un de ces quat' on va se croiser in the sky ;)) Bon, c'est pas tout ça, mais je vais te faire de la pub sur twitter :))

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  2. Eté batteur d'un groupe punk rock vers 17 ans. Les Sam Grat O'Burn, un grand souvenir mais sans doute pénible pour les voisins du Mille-club où nous répétions dans un canton du morbihan. Il reste un survivant, de ce groupe, Steph, notre leader, qui officie désormais dans le groupe punk rennais "tagada jones".
    J'ai une certaine nostalgie, parfois, juste du pied pris à certains moments.

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  3. Lucia merci pour la pub ^^ pour ma part le chant est sans doute un des instruments les plus mystérieux pour moi...c'est génial de n'avoir rien d'autre à gérer que sa voix, et ça demande tellement d'écoute..ce qui n'est pas forcément le cas de tous les autres instruments pour en jouer juste!
    on se croise quand tu veux in the sky!! (je viens toujours à paris le 4 jullet...)

    Mike tu aurais dû continuer, la batterie c'est magique! J'en ai fait quelques années aussi, et je tape à l'occasion j'adore ça..manque juste de temps pour faire le cogneur dans un autre groupe (j'en ai 2 en ce moment, et pas mal de sollicitations)
    si ça t'intéresse je peux te donner des liens sur ce que je fais en ce moment(il y en a un bien caché dans 1 colonne quelque part à droite...); tagada jones je les connais! bon groupe français que ce combo...

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merci de poster ici vos irrévérencieux commentaires. Tout ce qui est révérencieux ne sera pas accepté, ainsi que tout ce qui est contraire aux valeurs de ce blog en général (allez, on va dire : "Valeurs Humanistes"). Après, pour le reste, j'adoooore polémiquer... (NB : les commentaires anonymes ne sont pas acceptés, prenez au moins un pseudo quoi!)